Législatives 2024 : pourquoi le Nouveau Front populaire peut gagner… (+ clip officiel)

 … et envoyer un premier ministre de gauche à Matignon ?

Face au calcul cynique d’Emmanuel Macron et au risque d’une majorité d’extrême droite, les forces progressistes ont su se rassembler et ont l’opportunité historique d’imposer une cohabitation de gauche au chef de l’État. Deux ans après la Nupes, la situation a bien changé. Voici pourquoi la victoire est possible.

L’élan historique l’emporte de loin sur la fatigue. Jeudi 13 juin dans la soirée, les dirigeants des quatre principales forces de gauche (la France insoumise, le Parti socialiste, les Écologistes, le Parti communiste français), les traits tirés, sortent du huis clos des négociations qui les occupaient jour et nuit depuis l’annonce de la dissolution par Emmanuel Macron, quatre jours plus tôt. L’accord scellant le Nouveau Front populaire est enfin bouclé ! Le peuple de gauche, qui avait manifesté à plusieurs reprises, à Paris et dans d’autres grandes villes, pousse un grand ouf de soulagement. « Nous partageons tous l’espoir immense que suscite notre démarche dans le pays, mesure le coordinateur de la FI, Manuel Bompard. Cette situation nous oblige. » « Ils attendent de nous que nous soyons à la hauteur, complète le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. Je fais le serment qu’on reste unis pour changer la vie. » « C’est soit eux (le RN – NDLR), soit nous. Cela doit être nous. Cela va être nous ! » lance son homologue des Écologistes, Marine Tondelier.

Autour d’un programme commun de rupture avec la violence sociale des macronistes, la coalition présentera donc des candidatures uniques dans chaque circonscription aux législatives anticipées, les 30 juin et 7 juillet prochains, avec la répartition suivante : 229 circonscriptions pour la FI, 175 pour le PS, 92 pour Les Écologistes et 50 pour le PCF. Reste désormais aux citoyens, aux militants, aux syndicats, aux associatifs de se saisir de cet élan pour imposer une cohabitation de gauche à Emmanuel Macron. Celui-ci essaie d’effrayer les électeurs avec le péril « des extrêmes » – tout en ayant démontré qu’il était prêt à confier à Jordan Bardella les clés de Matignon. Preuve qu’en Macronie la fébrilité règne. Dans dix jours, la gauche peut écrire un scénario victorieux. Voici pourquoi.

Parce que la gauche est unie comme jamais

On n’en revient pas de l’écrire, mais le Nouveau Front populaire a reçu l’onction d’un arc inédit, allant de Philippe Poutou à Anne Hidalgo. Bien plus large que la Nupes, la nouvelle alliance repose, certes, toujours sur les quatre principaux partis de gauche, mais s’est élargie à Place publique (le parti de Raphaël Glucksmann), à L’Engagement (fondé par Arnaud Montebourg) ou encore au MRC, l’ex-parti de Jean-Pierre Chevènement et au NPA-l’Anticapitaliste, le courant de Philippe Poutou et Olivier Besancenot. Même l’ancien président de la République François Hollande, adversaire acharné de la Nupes, a cette fois adoubé l’accord au nom du « principe de responsabilité » face au risque du RN au pouvoir : « L’essentiel, c’est que l’union ait pu se faire. On va au-delà des divergences. »

Cette fois, l’aile droite du PS soutient l’initiative, ce qui devrait réduire considérablement le risque de candidatures dissidentes. En Occitanie, la présidente de région, Carole Delga, qui avait présenté des candidats face à la Nupes il y a deux ans et reste critique de la FI, soutient également le Nouveau Front populaire. « Bâtir une union de la gauche le plus large possible, ce n’est pas se renier, c’est être à la hauteur de la situation présente, argumente le maire socialiste de Montpellier, Mickaël Delafosse, un proche de Carole Delga. C’est faire honneur aux grands noms de la gauche, Léon Blum, Jean Jaurès, qui ont toujours défendu le rassemblement au-delà de leur propre courant politique lorsque l’essentiel était en jeu. » Reste la décision de la FI, critiquée par le reste de la gauche, de ne pas réinvestir certains de ses députés sortants qui conduira, dans ces circonscriptions, à plusieurs candidatures.

Mais, pour être digne du nom de « Front populaire », l’union devait se faire au-delà des négociations d’appareils politiques. La chose est en cours puisqu’un large rassemblement associatif et syndical s’y agglomère peu à peu : la Ligue des droits de l’homme, la Cimade, Attac, Emmaüs, la Fondation Abbé-Pierre… sans forcément appeler nommément à voter pour les candidats du Nouveau Front populaire, plusieurs représentants de la société civile ont signé, le 12 juin, un appel commun pour « battre l’extrême droite » et faire émerger « un changement profond, de rupture écologique et sociale et d’effectivité des droits ». La CGT, elle, était présente à la conférence de presse de lancement du Front populaire, tout comme l’ONG Greenpeace : « Pour nous, le RN, c’est la promesse d’une catastrophe sur le climat et la biodiversité », rappelle Jean-François Julliard, son directeur général. Depuis le syndicat a officiellement appelé à voter pour les candidats du Nouveau Front populaire.

Un tel rassemblement des forces progressistes, dans leur pleine diversité, paraissait impossible il y a encore une semaine, alors que les européennes se sont déroulées à couteaux tirés. Mais le choc de la dissolution, celui du probable effondrement du bloc macroniste au profit de centaines de nouveaux députés RN, ont changé la donne en l’espace de quelques minutes. Dimanche 9 juin, la gauche a basculé dans un autre monde et veut se montrer à la hauteur de l’urgence. Et l’adhésion populaire qui se manifeste déjà peut tout changer.

Parce qu’elle a le programme pour répondre à l’urgence sociale

L’accord était la condition minimale pour envisager la victoire. C’est sur le fond de son programme que le Nouveau Front populaire, désormais, entend convaincre. Sept ans de casse sociale, souvent au mépris de la démocratie – tel est le bilan d’Emmanuel Macron, qui conduit le RN aux portes du pouvoir. L’union de la gauche y oppose un « contrat de législature » pour répondre à l’urgence, d’abord, sur les cent premiers jours, avant de se projeter dans le temps long. Avec, pour commencer, l’abrogation de deux réformes parmi les plus violentes socialement : celle des retraites, puis celle de l’assurance-chômage, que Gabriel Attal a promis d’adopter par décret au 1er juillet, malgré la suspension des travaux à l’Assemblée nationale.

« Notre projet sera financé avec l’instauration d’un nouvel impôt sur la fortune et d’une taxation des superprofits », avance Olivier Faure, premier secrétaire du PS. « Les plus riches vont financer les écoles de nos enfants dans toute la France, des hôpitaux publics, la protection sociale, la Sécurité sociale, par des cotisations », promet Fabien Roussel. Lors des négociations programmatiques, le PCF a insisté sur la question cruciale du pouvoir d’achat : le programme prévoit l’augmentation du SMIC (2 000 euros brut), et l’indexation des salaires sur l’inflation.

Plusieurs mesures immédiates seront prises face à l’urgence climatique, avec une loi énergie climat, prélude à un grand plan de « bifurcation écologique » qui comprendra la « règle verte » (ne pas prendre à la nature davantage que ce qu’elle est capable de reconstituer). Pour les agriculteurs, le programme prévoit des prix planchers. Face à l’explosion des factures d’énergie, le Nouveau Front populaire propose aussi « la gratuité des premiers kilowattheures » électriques et « l’abolition des coupures d’électricité, de chaleur et de gaz ». La rupture portée par le Nouveau Front populaire est aussi institutionnelle et démocratique puisque le 49.3 serait abrogé, et le référendum d’initiative citoyenne, totem cher aux gilets jaunes, instauré. Bien plus que le RN, dont l’imposture sociale est permanente, comme en témoignent ses votes, c’est la gauche qui détient les clés d’une amélioration de la vie des Français. Et elle compte bien le démontrer.

Parce que le rapport de force a changé

Les législatives anticipées de 2024 n’ont rien du remake du scrutin de 2022. Le bloc macroniste n’aborde cette fois pas l’élection avec le vent dans le dos, à la suite de la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle, mais très affaibli par la gifle électorale des européennes. Le RN, lui, cherche à faire fructifier son score large. Résultat, si le rapport de force issu du 9 juin se confirme dans chaque circonscription, 536 duels sur 577 « circos » pourraient opposer la gauche à l’extrême droite. Renaissance pourrait disparaître entre les deux blocs, avec une quarantaine de députés qualifiés pour le second tour. Un exercice de projection qu’il convient de nuancer, compte tenu des dynamiques d’implantation locale, mais qui a le mérite de montrer l’affaiblissement critique du camp présidentiel.

Emmanuel Macron, lui, s’accroche à son « indécrottable optimisme » et peste contre « l’esprit de défaite » qui saisit certaines de ses troupes. Aux abois, le chef de l’État en est pourtant rendu à faire du chantage avec les jeux Olympiques, en appelant les Français à « intégrer les JO dans leur vote », ou à emboîter le pas au RN en taxant le programme du Nouveau Front populaire de « totalement immigrationniste ». Un cynisme pitoyable, comme un écho à celui du RN, qui renie une à une ses mesures prétendument sociales pour draguer la bourgeoisie. Face à l’ultra-libéralisme et à sa version augmentée en racisme et en xénophobie, la gauche a rendez-vous avec l’histoire. Elle en a le devoir.

 


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