Entre Ruffin et Mélenchon : un divorce et un débat de fond pour toute la gauche
NDLR de MAC: Les communistes de la section de Castel/Moissac/Beaumont/Valence ont décidé de s’adresser autant aux quartiers populaires dans les villes que dans les villages. Pas de discriminations et d’oppositions dans le monde du travail. Cela fera leur force et cimentera les victoires de demain. Pas question de laisser la place au RN et à la désespérance.
Au-delà des invectives et des petites phrases échangées entre eux, cette joute ouvre un débat de fond pour l’ensemble de la gauche. Doit-elle concentrer ses forces sur un électorat bien précis et acquis ou élargir sa cible vers des terres plus hostiles ?
Terminé le temps des salamalecs. Entre Jean-Luc Mélenchon, fondateur de la France insoumise, et François Ruffin, député Picardie debout ! (et ex-FI) de la Somme, l’heure est plutôt aux clés de bras, à l’affrontement stratégique. « Il faut mobiliser la jeunesse et les quartiers populaires ! a lancé le premier lors de la manifestation du 7 septembre. Tout le reste, laissez tomber, on perd notre temps. Là, se trouve la masse des gens qui ont intérêt à une politique de gauche. »
Une position qui n’est pas née à cette occasion. En novembre 2023, lors d’un colloque de l’Institut La Boétie, le fondateur de la FI déclarait : « Le gros de la troupe, qui va nous faire gagner, ce sont les quartiers populaires où on vote pour nous à 80 % au premier tour, mais où 30 % seulement vont voter. Si nous montons à un niveau égal à celui de la participation du reste de la société, nous avons gagné. »
Une ligne que François Ruffin déplore, au point de signaler son « désaccord moral et électoral profond ». « Le choix de Jean-Luc Mélenchon est suicidaire, il ne nous permet pas d’être majoritaires, c’est un choix de l’abandon et de la défaite. Gagner en Picardie comme en Seine-Saint-Denis, ce n’est jamais perdre son temps ! » a-t-il clamé à l’Agora de la Fête de l’Humanité, ce samedi 14 septembre, lors d’une discussion vive mais constructive sur la question.
Créer des ponts ou les couper
Au sujet de ces débats, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, observe que « la classe ouvrière existe autant dans les campagnes que dans les banlieues. La gauche doit s’adresser aux classes populaires, à une partie de la France qui s’en détourne. La question du travail doit être centrale et nous permettre de rassembler tous les Français ». Comment ? En créant des ponts à partir de problématiques communes, selon lui : « Les déserts médicaux sont partout. Quand la classe des riches mène une guerre sociale, c’est contre les classes populaires. »
En effet, la France rurale n’est plus uniquement paysanne depuis longtemps. Désormais, les classes populaires, garnies d’ouvriers, sont nombreuses dans deux espaces : les banlieues des métropoles, mais aussi dans la ruralité. Comme le décrit le sociologue Julian Mischi dans ses travaux, plus on s’éloigne du cœur des agglomérations, plus la part des ouvriers dans la population augmente.
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Si elle est de 14 % dans l’agglomération parisienne et de 22 % dans les autres métropoles, elle dépasse 25 % dans le périurbain et 30 % dans les zones rurales… Si les deux espaces, quartiers et campagnes, s’abstiennent massivement, reste une différence majeure : les premiers votent à gauche, les seconds à l’extrême droite.
À la ligne de Roussel et Ruffin, Manuel Bompard, coordinateur de la FI, répond : « J’assume de dire que nos efforts doivent se poursuivre contre l’abstention chez les jeunes et dans les quartiers populaires. » Et si certains pensent qu’il faut « prioritairement » aller chercher d’autres électeurs, « qu’ils le fassent » ! « Nous sommes dans une coalition où chacun essaye d’apporter sa pierre à la réussite du NFP », indique-t-il, tout en soulignant que les jeunes et les plus pauvres n’habitent pas que dans les grandes villes.
Reste que, dans son livre Itinéraire, ma France en entier, pas à moitié, François Ruffin accuse Jean-Luc Mélenchon d’être devenu « un épouvantail à électeurs » en dehors des banlieues. Donc de pénaliser la gauche.
Ruralité et vote RN
Raphaël Arnault, député FI du Vaucluse, refuse, lui, « d’aller convaincre des racistes », mais appelle à « obtenir des victoires sociales », notamment avec les associations antiracistes, pour changer la donne. À la différence de Jean-Luc Mélenchon ce samedi 14 septembre, qui, se penchant sur le fort taux de vote RN dans les zones rurales, a déclaré : « C’est une erreur de penser que l’on peut voter facho alors qu’on est juste fâché. Et ne croyez pas ceux qui disent qu’il suffit de dire à quelqu’un ”viens, on va se battre pour de meilleurs salaires, un meilleur service de santé, pour l’école“ pour qu’il dise aussitôt ”ah, je ne suis plus raciste“. »
Les mouvements sociaux sont pourtant, de façon historique, des vecteurs de conscientisation de classe : il est faux de dire que la lutte n’apprend rien.
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La gauche doit-elle donc renoncer à tenter de convaincre l’électorat populaire et rural du RN ? D’autant que, selon le sociologue Félicien Faury, celui-ci se « solidifie progressivement » à mesure qu’il se « normalise »… « Dans les quartiers comme dans les villages, il y a un sentiment d’impuissance, de relégation, un besoin d’être considéré comme les autres, une disparition des services publics qui construit l’isolement, mais aussi une identité de soi de moins en positive, observe Marie Pochon, députée EELV de la Drôme. S’investir pour créer des ponts, ce n’est pas abandonner la radicalité d’un projet antiraciste, écologiste, social et égalitaire, c’est tout le contraire. »
Le débat est ouvert, l’action est nécessaire!
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