Tête de liste PCF, Léon Deffontaines tient son premier meeting de campagne ce jeudi soir, à Amiens. Souveraineté industrielle, environnement, guerre en Ukraine… le communiste entend marquer sa différence avec les autres listes de gauche.
En 2014, l’entreprise Goodyear fermait à Amiens, malgré la lutte historique des salariés. Dix ans plus tard, ce sont les 300 salariés de l’usine biochimique Metex qui se battent pour leurs emplois. Menacés, entre autres, par la concurrence déloyale de la lysine chinoise (sur laquelle l’Europe a supprimé les taxes douanières), certains prendront la parole ce 11 avril, à l’occasion du premier meeting de la tête de liste PCF Léon Deffontaines, sur ses terres natales. Le communiste entend s’y adresser à la « France du non en 2005 » (contre le traité établissant une Constitution européenne). Entretien.
Pourquoi faites-vous de la souveraineté industrielle le cœur de votre campagne ?
C’est comme cela que nous reparlerons du social. La gauche s’est trop divisée sur les questions de société. Si nous voulons répondre à l’impératif écologique, nous devons produire davantage, en relocalisant en France et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports.
Cela permettra de créer de l’emploi et d’éradiquer le chômage. Produire plus ou moins en Europe ? C’est la question à trancher lors de ce scrutin, et qui nous différencie à la fois des libéraux qui ont mis notre industrie à genoux, mais aussi des insoumis et des écologistes qui défendent une option décroissante.
Fin mars, vous étiez dans l’Allier, où a été évoqué le projet d’une mine de lithium. Y êtes-vous favorable ?
Le raisonnement est simple. Nous partageons la nécessité, fixée par l’Europe, de développer les véhicules électriques à la place de l’essence. Pour cela, il faut produire du lithium pour nos batteries. Plutôt que de l’extraire à l’autre bout de la planète dans des conditions environnementales et sanitaires déplorables, notamment au Chili, allons chercher le lithium qui est dans notre sol ! C’est une chance énorme. À condition, bien sûr, d’avoir au préalable des discussions avec les populations locales, autant sur les conséquences positives que négatives, sur le partage de l’eau, sur la pollution des nappes phréatiques…
Ces projets supposent de raisonner à consommation constante. La transition écologique ne doit-elle pas passer par plus de sobriété dans les usages ?
Il faut évidemment tendre vers une diminution de l’utilisation de la voiture. Non pas en contraignant davantage avec les zones à faibles émissions, mais en développant les alternatives de transports en commun, comme le train. Malgré tout, des voitures, il y en aura toujours. Si on fait le choix de l’électrique, nous aurons besoin de lithium.
La mine de l’Allier pourrait couvrir 40 % de nos besoins actuels. Il ne s’agit pas de produire pour produire, mais de répondre aux besoins sociaux. Il faut qu’on puisse y répondre avec des usines françaises ou européennes. Il faudra aussi installer parallèlement une grande filière industrielle de recyclage de ces matières polluantes.
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Auriez-vous voté le pacte vert européen ?
On partage l’objectif fixé de la neutralité carbone en 2050, pour respecter l’accord de Paris. On demande en revanche à ce que ce soit calculé en empreinte carbone et non pas en émissions de gaz à effet de serre, pour réintégrer les importations dans ce décompte.
Si le pacte vert, c’est multiplier les normes à l’intérieur de l’Europe tout en continuant à signer des traités de libre-échange, on n’atteindra pas l’objectif. Si on délocalise toutes nos usines, on va vite atteindre la neutralité carbone, c’est sûr, mais on polluera toujours autant à l’import ! Et le réchauffement climatique, lui, n’est pas délocalisable.
À mes yeux, il n’y a pas de citoyenneté européenne.
Réindustrialiser la France suffit-il pour retrouver de la souveraineté au sein de l’Union européenne ?
Si on veut avoir notre mot à dire sur la façon dont on produit, sur les conditions de travail, sur les normes environnementales, il faut que les usines soient sur notre territoire. Ensuite, il y a une question politique. Nous nous battons pour faire évoluer les cadres européens, pour défendre le principe de subsidiarité du droit français sur le droit européen. L’UE n’a pas à imposer ses règlements sans que les peuples puissent les discuter.
Il y a une citoyenneté française. À mes yeux, il n’y a pas de citoyenneté européenne. L’Europe est une coopération entre peuples souverains, pas une dissolution des États dans une méga-structure. Cela veut dire renégocier les traités en vigueur. Nous ne sommes pas non plus pour un élargissement de l’UE.
On paie encore aujourd’hui les pots cassés de l’agrandissement à des pays comme la Slovaquie ou la Hongrie. Goodyear à Amiens est un cas concret de dumping social. Les salariés ont refusé une dégradation de leurs conditions de travail. L’usine a délocalisé en Slovaquie.
Vous avez déclaré que la Nupes était morte. Qu’en est-il de l’union de la gauche pour vous ?
J’ai été un peu rapide… La Nupes est un accord électoral pour les législatives de 2022 ; il a permis de faire élire des députés, mais pas de gagner. Les députés élus avec cette étiquette ont un mandat sur le programme de la Nupes. Mais elle n’existe qu’à l’Assemblée nationale. Des accords d’union de la gauche, il y en a eu avant, il y en aura encore après. C’est le projet politique qui doit faire le rassemblement.
Manon Aubry avait proposé une tête de liste écologiste pour une liste Nupes. Il y a un problème ! Je ne suis pas du tout d’accord avec le projet politique des écologistes sur l’Europe. Une alliance au minimum avec des projets incohérents sur les plans économique et social, c’est le meilleur moyen de perdre.
Il faut qu’on s’adresse à ceux qui votaient à gauche, et désormais s’abstiennent ou votent RN, et on ne les recaptera pas avec un projet porté par Jean-Luc Mélenchon ou Raphaël Glucksmann. Mais 2027 est encore loin, c’est trop tôt pour dire s’il y aura, à gauche, un candidat, deux candidats, trois ou quatre. Il faut qu’on discute entre forces politiques, sur le fond.
Vous vous dites « candidat de la paix ». Quels seraient les termes et les conditions d’une négociation entre la Russie et l’Ukraine ?
Pour parvenir à une issue diplomatique, il faut aider militairement les Ukrainiens à tenir. Si Poutine continue à avancer et qu’il est en passe dans quelques mois d’arriver à Kiev, il ne viendra jamais autour de la table des négociations. On assume donc d’aider l’Ukraine à se défendre et à geler le front.
Une fois qu’on y parvient, il faut proposer une sortie diplomatique du conflit. Il faut un cessez-le-feu, d’abord. Ensuite, il faudra obtenir un retrait des troupes russes des territoires occupés en contrepartie d’une neutralité de l’Ukraine, et de la promesse que les armes nucléaires de l’Otan ne seront pas à quelques centaines de kilomètres de Moscou. C’est la seule condition qui puisse remettre tout le monde autour de la table.
La question de la Crimée et du Donbass qui sont, pour nous, des territoires occupés, se posera. Le droit international repose sur deux piliers : l’intégrité territoriale et la souveraineté des peuples, et la recherche de la paix. Mais on ne peut pas mettre la Crimée et le Donbass comme préalables aux discussions. Ensuite, nous avons une ligne rouge : nous ne devons pas devenir cobelligérants. Nous nous opposons à l’envoi de troupes en Ukraine.
La neutralité de l’Ukraine suffirait-elle à ce que Poutine retire ses troupes ? Au vu du projet de « Grande Russie », qu’il prône dans ses discours…
C’est probablement à la fois ce projet politique et l’inquiétude d’une Ukraine se rapprochant de l’Otan qui ont poussé Poutine à intervenir. Désormais, il est embourbé. Le statut de neutralité constituerait déjà une victoire, non pas pour Poutine, mais pour le peuple russe.
Si cette contrepartie permet à l’Ukraine de retrouver sa souveraineté, ses territoires occupés, et de mettre un terme au conflit, le peuple ukrainien sera prêt à signer. Poutine est un dictateur avec des visées impérialistes, je le redis. Mais il n’est pas le seul. Faut-il être jusqu’au-boutiste, chercher à les faire tomber au détriment de la paix ? L’autre option serait que ce conflit dure le plus longtemps possible. Je n’y crois pas. Les États-Unis vont décider d’une manière ou d’une autre d’arrêter leur aide.
S’il faut aider les Ukrainiens à tenir, on ne pourra pas le faire pendant cinq ou six ans. Je ne veux pas d’une victoire militaire de la Russie. Or, nous n’avons pas les capacités industrielles de fournir le front ukrainien sans les États-Unis. En outre, faire durer la guerre multiplierait les morts et nous ferait risquer un engrenage guerrier qui pourrait connaître une issue funeste pour l’humanité.
Le grand débat sur France24 et RFI du mercredi 10 avril (temps 1h56)
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