Dictionnaire Arbitraire (édition AuberBabel)

 NDLR de MAC: Un ouvrage rafraichissant des éditions AUBERBABEL à lire de toute urgence…

Le regretté1 Desproges avait eu l’idée à la fois géniale et farfelue d’écrire un « dictionnaire superflu » avec un seul mot par lettre dont un des charmes était que chaque article était agrémenté de la même illustration, avec une légende adaptée et toujours étonnamment pertinente, l’une d’entre elles étant le véritable titre du tableau utilisé.

Une de ces légendes était : « le pangolin s’est échappé ».

Je n’aurais pas le mauvais goût de faire remarquer, plus de trente ans après sa disparition, que non, malheureusement, le pangolin ne s’est pas échappé, du moins si on en croit les récits de source officielle. S’il s’était effectivement échappé, il n’aurait pas reçu la fiente de la chauve-souris enfermée à l’étage au dessus, ni fourni bien involontairement ses écailles souillées pour la confection d’une poudre de perlimpinpin, dont les vertus aphrodisiaques ne sont pas plus grandes que si on l’avait fabriquée avec des rognures d’ongle (fabrication bien inutile d’ailleurs puisqu’il suffit de se ronger les ongles pour absorber de la kératine), laissant ainsi les pangolins en paix et nous épargnant une pandémie.

Ce dictionnaire arbitraire ne prétend même pas à cette rigueur : les illustrations sont parcimonieuses et aléatoires, les articles sont disparates, la seule règle étant d’avoir au minimum un mot par lettre de l’alphabet. Travail beaucoup moins ambitieux, donc, qu’un dictionnaire tentant de recenser tout ce que l’honnête homme doit savoir, telle cette Encyclopédie des connaissances utiles parue en 1836, dont le tome seizième, d’un format à peu près analogue à celui-ci, nous mène seulement de Civilisation (suite – il faut dire que le programme est ambitieux) à Comestible, article qui renvoie lui-même aux articles aliment, farine, pain, pâte, salaison, etc., dont nous ne pourrons donc pas profiter si nous ne possédons que ce tome seizième.

Sans prétendre à l’exhaustivité ni même à la cohérence, notre système a cependant l’avantage de nous permettre de faire état de quelques questionnements, marottes, obsessions ou rancœurs, selon le système employé en 1940 par Godfrey Elton dans ses émissions radio, intitulées It occurs to me : c’est ce qui me passe par la tête et je vais donc vous en parler.

Mais sont-ce simplement des marottes ou des obsessions ?

Les définitions des mots choisis arbitrairement ne relèvent elles pas plutôt d’une « vision du monde », mélange d’objectivité et de subjectivité, même si elle reste parcellaire étant donné le procédé choisi ?

1 C’est vraiment une façon de parler, parce que je ne l’ai découvert qu’après sa mort. C’est pourquoi il ne m’a jamais déçu. Qui sait, il serait peut-être devenu gâteux, ou pire, réac et sentencieux.


Quatrième de couverture

Sans prétendre à l’exhaustivité, ce petit livre, n’a de dictionnaire que l’ordre alphabétique de ses articles, choisis par ses différents contributeurs en fonction des idées qui leur sont passées par la tête à un moment quelconque, ce qui n’enlève à priori rien à leur pertinence éventuelle. Les rubriques ayant été collectées juste avant la crise du « gros vide », il est temps de s’attaquer dès aujourd’hui au tome deux afin d’y disséquer les nouveaux barbarismes apparus depuis. Ces nouveaux maux sont à définir d’urgence si nous ne voulons pas devenir leurs esclaves. A vos plumes !


En vente pour 10 € ou 12€ avec envoi. S’adresser à Alexandra Tricottet <alexandra.tr@laposte.net>

Humanité, révélation. La fachosphère s’infiltre dans les bibliothèques

« Ces livres, achetés sur le budget de la mairie, échappent à notre politique d’acquisition et nous n’aurons aucun regard sur eux », explique une bibliothécaire.

Les brigands ne sont pas ceux que l’on croit!

Enquête. La ville du Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis, annonce l’achat de 4 000 ouvrages référencés par l’association Alexandre et Aristote, créée par une proche d’Éric Zemmour et subventionnée par la mairie. Une intervention inquiétante dans la politique documentaire des médiathèques.

La photo de famille date du 29 janvier dernier : au centre, le maire ex-LR (1) du Blanc-Mesnil, Thierry Meignen, entouré de son directeur de cabinet, Vijay Monany, proche de l’extrême droite, de Sarah Knafo et Alexandre Galien, fondateurs d’Alexandre et Aristote. Devant des bibliothécaires médusés, se déroule à la médiathèque Édouard-Glissant une présentation de l’association à laquelle la mairie vient d’accorder une subvention de 20 000 euros. Quelques jours plus tard, c’est au tour des enseignants du lycée technique Aristide-Briand de rencontrer les créateurs de ce nouvel outil de promotion de la lecture. L’idée est simple : « Dis-nous qui tu es, nous te dirons quoi lire ! » clame la page d’accueil du site d’Alexandre et Aristote, qui renvoie vers des sites marchands (Fnac, la Procure et Amazon, remplacé par Place des libraires). Continuer la lecture de Humanité, révélation. La fachosphère s’infiltre dans les bibliothèques

À Paris, le baroud de déshonneur de Génération identitaire (Dossier complet d’analyses)

C’est la première fois que Génération identitaire organiseune manifestation en son nom propre dans la capitale. B. Guay/AFP

C’est la première fois que Génération identitaire organise une manifestation en son nom propre dans la capitale. B. Guay/AFP

Près de 1 000 militants se sont rassemblés, samedi, dans la capitale à l’appel du groupuscule Génération identitaire. Un dernier coup de communication avant leur dissolution définitive ?

« Français, défends-toi, tu es ici chez toi », « Migrants partout, frontière nulle part », « Europe, jeunesse, reconquête ». Phobie de ­l’invasion et fantasme d’une civilisation blanche en péril ont pris rendez-vous, samedi, place Denfert-Rochereau à ­Paris : près de 1 000 militants d’extrême droite ont ­répondu à l’appel de Génération identitaire à manifester contre la procédure de dissolution engagée à son encontre par le ministère de l’Intérieur, le 13 février.

Gérald Darmanin a d’ailleurs été copieusement insulté et invectivé par les manifestants, qui ont qualifié le ministre de « complice » de « l’invasion migratoire ». « Lui aussi, vous  l’avez dissous ? »  ont ­également interrogé des pancartes à l’effigie de figures ­historiques qui se sont opposées, en leur temps, à « ­l’envahisseur » : Vercingétorix, un soldat de 14-18 ou encore Jeanne d’Arc.

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L’affiche Rouge: Pour ne pas oublier! (Aragon/Ferré/B. Lavilliers)

Vous n’avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE

Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erevan

Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant

Louis Aragon 1956

« Dépêche du Midi »: Arrangements… Par Alain Raynal in Les nouvelles 82 N°605

La liberté de la presse est un bien trop précieux pour ne pas veiller sur elle et garantir ainsi à chaque journaliste le droit d’écrire ce qu’il estime nécessaire. Ce droit fondamental va de pair avec celui du lecteur de s’interroger, de critiquer et d’alerter s’il le juge utile.

La lecture du billet « Les juges contre le peuple » rédigé par Laurent Benayoun, rédacteur en chef de l’édition Tarn-et-Garonnaise de « La Dépêche-du-midi » laisse un goût amer et c’est peu dire. Brigitte Barèges serait victime « d’une exécution provisoire qui a le goût du sang, d’une guillotine qui ne dit pas son nom ». Après six années d’enquêtes approfondies, Brigitte Barèges est condamnée, entre autres, à abandonner ses mandats. Elle peut faire appel. La justice suivra son cours.

Ne tournons pas autour du pot.

Bien au-delà des mots écrits dans le quotidien régional politiquement lié à la famille radicale du PRG, – et en soi ce n’est pas un problème – le malaise résulte de ce qui se raconte ouvertement à Montauban et ailleurs depuis de nombreux mois. A savoir : ces « petits arrangements » entre la droite LR et le PRG dans le Tarn-et-Garonne pour se répartir les manettes du pouvoir local. A moi le Département, à toi la Ville, à l’autre l’Agglomération…

Il est devenu malsain et dangereux de taire le malaise grandissant créé parmi les gens sincèrement de gauche dans la ville et le département.

A tous ces tripatouillages qui ne peuvent qu’accentuer le rejet de la politique parmi les électeurs viennent se greffer les rapports nauséabonds qu’entretient Brigitte Barèges avec le lepéniste Ménard.

« Y’a pas d’arrangement, pas de grimace.

« Juste le lendemain se regarder dans une glace… » Chantait le groupe Zebda.

Il n’y a pas d’arrangements sauf à y laisser son âme, ou son honneur, selon…

Alain Raynal


 

France-Algérie : quel travail de reconnaissance et de vérité ? (1)

Ramassage de pommes de terre en Algérie, sous la férule d’un colon à cheval. Roger-Viollet

Ramassage de pommes de terre en Algérie, sous la férule d’un colon à cheval. Roger-Viollet

Histoire et mémoire de la colonisation. Le rapport rendu par Benjamin Stora suscite de nombreuses réactions. Comment s’en saisir pour avancer sur la voie de la réparation ?

La repentance est un mot écran

Gilles Manceron Historien, membre de la Ligue des droits de l’homme

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La vérité doit être dite sur la colonisation et la guerre d’Algérie, mais le terrain est miné et les mots sont piégés. Un travail est nécessaire pour que les deux sociétés aient une connaissance des réalités et de la complexité de cette histoire, mais il faut se méfier de la tendance des États à instrumentaliser l’histoire.

La République doit reconnaître que la colonisation contredisait le principe de l’égalité de tous les êtres humains proclamé lors de la Révolution française. La repentance est un mot écran destiné à faire obstacle à cette reconnaissance. Il a été inventé par des nostalgiques de la colonisation pour discréditer la demande de désigner pour ce qu’elles sont les injustices et les violences coloniales ponctuées de crimes contre l’humanité. Continuer la lecture de France-Algérie : quel travail de reconnaissance et de vérité ? (1)

Ce que les communistes ont à offrir à la gauche (contribution)

Contribution de AlecDesbordes

Il est temps que la gauche reprenne sa place historique pour faire avancer les droits démocratiques, les luttes des travailleurs et la transition énergétique. Le Parti Communiste Français, muni de sa candidature à l’élection présidentielle de 2022, peut contribuer de manière considérable à cette dynamique.

         La force politique de gauche est en retrait en France, que ce soit au niveau électoral, ainsi qu’au niveau idéologique et des luttes. Il est temps qu’elle reprenne sa place historique pour faire avancer les droits démocratiques, les luttes des travailleurs et la transition énergétique. Elle est encore capable de grande démonstration de force populaire, comme le mouvement contre la réforme des retraites l’a démontré, mais ce sont presque exclusivement des combats défensifs. Les partis, les syndicats, les associations, se demandent comment créer une dynamique qui puisse fondamentalement retourner le rapport de force actuel avec le capital financier et la droite réactionnaire, pour que l’on puisse de nouveau arracher des victoires dignes de notre peuple. Le Parti Communiste Français, muni de sa candidature à l’élection présidentielle de 2022, peut contribuer de manière considérable à cette dynamique.

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Rapport Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie. Des impasses et des ambiguïtés

Par Bernard Deschamps  Ancien député  PCF  du Gard

Le rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie (1), commandé par le président de la République française à l’historien Benjamin Stora, comporte des impasses et des ambiguïtés préoccupantes.

Dans sa lettre de mission, Emmanuel Macron disait vouloir « s’inscrire dans une volonté nouvelle de réconciliation des peuples français et algérien ». Cette volonté s’était concrétisée en 2018 par la reconnaissance, au nom de la République française, de la mort de Maurice Audin exécuté ou torturé à mort par des militaires français. Le président de la République mettait l’accent sur la nécessité d’aboutir «  à l’apaisement et à la sérénité de ceux que (la guerre d’Algérie) a meurtris, (…) tant en France qu’en Algérie ». Il a par la suite exclu toute « repentance » et toutes « excuses », ce qui a été qualifié d’inquiétant par plusieurs historiens dont Gilles Manceron.

Benjamin Stora a consulté un grand nombre de personnalités dont il donne la liste. On est étonné de n’y trouver pratiquement aucun·e responsable d’associations d’amitié franco-algérienne anticolonialistes. Ainsi, par exemple, l’association Agir contre le colonialisme aujourd’hui (Acca) et l’association les Amis de Max Marchand et Mouloud Feraoun, assassinés par l’OAS le 15 mars 1962 n’y figurent pas. Ni non plus France-El Djazaïr. Quelques anciens combattants de la Fédération nationale des anciens combattants d’Algérie, Maroc, Tunisie (Fnaca) ont été rencontrés, mais personne de l’Association républicaine des anciens combattants (Arac), qui a pourtant été très engagée pour l’indépendance de l’Algérie. Continuer la lecture de Rapport Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie. Des impasses et des ambiguïtés

Pourquoi il y a toujours besoin de communisme. Le congrès de Tours, l’acte fondateur du PCF

olivier coretcredit photo Olivier Coret

Les crises qui agitent le monde réactualisent le besoin de communisme. Dans un hors-série spécial, « l’Humanité » défriche les chemins de l’avenir d’une idée. En 1920, au sortir de la guerre, le mouvement socialiste connaît de vifs débats. Le choix des délégués du congrès de Tours d’adhérer à l’Internationale communiste marquera l’histoire. Récit.

C’est un peu comme si la planète avait voulu rappeler l’urgence de rompre avec le système actuel. Un siècle après la révolution d’Octobre, qui a essaimé l’espoir révolutionnaire partout dans le monde, la crise écologique est venue s’ajouter à une crise sociale permanente à laquelle le capitalisme est incapable de répondre. Celle liée au Covid-19 ne faisant que le confirmer encore. Un constat qui amène un nouveau « besoin de communisme », comme l’affirme le hors-série publié par « l’Humanité » à l’occasion des 100 ans du congrès de Tours.

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