Fabien Roussel défend la gastronomie française et provoque un tollé : la boussole de la gauche est-elle cassée ? in DDM

La lutte contre l’extrême droite, une constante pour Fabien Roussel comme pour le PCF.
La lutte contre l’extrême droite, une constante pour Fabien Roussel comme pour le PCF. DDM – LAURENT DARD

l’essentiel À gauche de l’échiquier politique, aucun candidat ne dépasserait 10 % au 1er tour des présidentielles, le 10 avril. Cela n’empêche pas les polémiques venues d’ailleurs comme celle qui, depuis dimanche, accuse le candidat communiste de chasser sur les terres du RN au prétexte qu’il défend la gastronomie française. De quoi s’interroger sur la boussole de la gauche en 2022.

« Le pli ordinaire de la gauche dans son histoire est la désunion. On sera donc tenté de dire que la gauche n’existe pas, ou de façon fortuite lorsque, face à ses adhérents et à ses électeurs, se dresse un ennemi commun », écrivait l’historien Michel Winoch dans « Qu’est-ce que la gauche », un ouvrage collectif paru aux éditions Fayard début 2017, à l’aube d’une campagne électorale qui a vu la gauche française éparpillée façon puzzle.
Une polémique née dimanche sur les réseaux sociaux laisserait croire que même la lutte contre l’extrême droite ne ferait plus partie des marqueurs communs de la gauche. Dimanche donc, Fabien Roussel déclare qu’« un bon vin, une bonne viande, un bon fromage : c’est la gastronomie française. Le meilleur moyen de la défendre, c’est de permettre aux Français d’y avoir accès ». Et, aussitôt, la twittosphère se déchaîne.
« Aïe aïe aïe heureusement que le grotesque ne tue pas ! Faites avancer la gauche au lieu de faire des appels de pied à la droite identitaire », s’agace Jannnanas, tandis que Sergio Coronado, un ex-député écologiste, se moque : « Je ne bois pas. Je suis végétarien. J’espère que je ne suis pas l’anti-France.

« Une polémique ridicule »

« Cette polémique est ridicule, soupire Jean-Pierre Bel, socialiste et président du Sénat de 2011 à 2014. On est là sur une dérive du wokisme. Il faut arrêter de vouloir évangéliser tout un chacun. J’en ai assez des inquisiteurs. Fabien Roussel, je l’apprécie. Il a amené beaucoup de choses au PC. Les combats politiques que j’ai connus dans ma vie me paraissent plus essentiels que ces attaques sans fondement. »
Carole Delga, la présidente PS de Région, enfonce le clou : « Je suis meurtrie du niveau des débats de cette présidentielle. Le débat n’est pas au niveau des enjeux… La crise climatique n’a jamais été aussi alarmante, les inégalités sociales sont criantes, mais ce sont des petites phrases des candidats dont nous nous préoccupons ? Après « l’emmerdement des non vaccinés » et « le karcher ® ressorti de la cave », voici que la polémique enfle alors que les propos de Fabien Roussel sont simplement de bon sens. Ceux qui ont écouté son intervention savent qu’il parle simplement de pouvoir d’achat, d’accès à une alimentation de qualité et même d’accès à la culture et à l’art. »

« On ne peut pas soupçonner le PC de faire du nationalisme pour prendre des voix à l’extrême droite, selon Christian Lammens, d’EELV. « 

Christian Lammens, membre du bureau exécutif régional Occitanie d’EELV, l’avait compris comme ça. Que quelqu’un puisse imaginer une seule seconde que Fabien Roussel pourrait chasser sur les terres de l’extrême droite le choque. « J’ai écouté le passage en entier. J’aurais développé sur le bio et la façon de favoriser les circuits courts. Mais pour le reste, il n’y a rien de choquant dans ce que dit Fabien Roussel. Les communistes sont hyperpatriotes, oui ! Ils l’ont prouvé pendant la guerre. Il n’y a pas de procès à leur faire pour ça. On ne peut pas les soupçonner de faire du nationalisme pour prendre des voix à l’extrême droite. Cette polémique, c’est n’importe quoi! »
Les valeurs de la gauche vont plus loin encore. Jean-Pierre Bel défend une gauche « internationaliste ». Les Verts se disent en lutte « contre l’agriculture industrielle qui est une des causes de l’augmentation des gaz à effet de serre ». À ce titre, ils rejoignent Fabien Roussel qui défend l’idée de « manger moins de viande mais de la bonne » à des prix accessibles pour tous. Jean Triguero, militant communiste ariégeois depuis 1968, se bat « pour l’emploi, les salaires »…

Des valeurs communes

Des valeurs communes qui font dire à son ami Jean-Pierre Bel que « la crise politique actuelle n’est pas une crise de la gauche. C’est une crise de la démocratie à laquelle Emmanuel Macron a participé en niant le fondement même de la démocratie, c’est-à-dire la lutte éternelle pour le progrès contre les conservateurs ».
En même temps, le Parti socialiste qui a implosé au niveau national résiste au niveau local, comme l’a prouvé Carole Delga, présidente la mieux élue de France aux dernières régionales.
Avec des communistes et des écologistes sur sa liste, elle montre que si certains ont perdu la boussole sur les réseaux sociaux, l’Occitanie ne perd pas le nord. Et que, sur le terrain, la gauche a encore un cap, « en cohérence avec ses valeurs de fraternité, de solidarité et de justice sociale ».

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Moissac. Urgences de nuit : la mobilisation ne faiblit pas

Depuis le premier décembre, le service des urgences de l’hôpital intercommunal de Moissac a baissé son rideau entre 20 heures en soirée et 8 heures le lendemain matin. Cette décision, portée par l’Agence Régionale de Santé (ARS) et justifiée officiellement par une problématique de gestion des ressources humaines (un manque cruel de personnel imposant un redéploiement de celui-ci), a réussi à mettre vent debout la population de tout l’Ouest tarn-et-garonnais.

Une fois n’étant pas coutume, l’ensemble des élus et des représentants des corps intermédiaires (syndicats, associations) sont passés outre les clivages idéologiques et sociaux habituels pour dénoncer cette décision considérée comme inique, fragilisant encore davantage un accès aux soins déjà bien contrarié. Continuer la lecture de Moissac. Urgences de nuit : la mobilisation ne faiblit pas

Agriculture. Agir dès maintenant, pour se nourrir dans trente ans par Gérard Le Puill

© Pierre Mérimée/REA

Selon le ministère de l’Agriculture, la France comptait 389 000 fermes en 2020, contre 490 000 en 2010. Il devient donc urgent d’installer des jeunes pour assurer notre souveraineté alimentaire dans les prochaines décennies. Encore faut-il des prix qui leur permettent de vivre de leur métier.

La France risque-t-elle de perdre sa souveraineté alimentaire ? Sans doute, faute de prix agricoles permettant aux paysans de vivre de leur travail. Sans compter qu’elle installe trop peu de jeunes, alors que 29 % des chefs d’exploitation sont âgés de 55 à 64 ans. En production de lait de vache, par exemple, le Centre national interprofessionnel des entreprises laitières estime que le prix de revient de la production des 1 000 litres s’élève à 405 euros en 2021. Mais, selon France­AgriMer, le prix moyen payé aux producteurs en mars 2021 allait de 322,7 euros à 339,2 euros dans les cinq régions qui assurent 73,9 % de la production. Ce prix moyen était de 450,4 euros en Bourgogne-Franche-Comté. On doit cette différence au lait à comté, payé 590 euros les 1 000 litres à la même date. Depuis longtemps, cette filière dispose d’un cahier des charges portant sur les races bovines, leur alimentation, la maîtrise annuelle de la production. Elle échappe ainsi à la pression des distributeurs en quête de prix bas. Continuer la lecture de Agriculture. Agir dès maintenant, pour se nourrir dans trente ans par Gérard Le Puill

Passe sanitaire au travail : les syndicats s’y opposent et expliquent pourquoi

Division des salariés, renforcement du pouvoir de l’employeur, atteinte au secret médical... Autant de dangers pointés par les organisations syndicales. © Bruno Levesque/IP3

Le gouvernement a entamé les consultations sur la généralisation de l’obligation vaccinale en entreprise. Si le patronat est réticent, les syndicats sont contre. Pour la CGT, une telle mesure serait même contre-productive.

L’exécutif veut transformer l’actuel « passe sanitaire » en « passe vaccinal ». Cela fera l’objet d’un texte de loi prévu dès janvier, et, parmi l’extension possible de ses champs d’application, le gouvernement réfléchit à l’imposer en entreprise. La ministre du Travail, Élisabeth Borne, a échangé ce lundi en visioconférence avec syndicats et patronat pour entendre leurs avis sur le sujet. « Rien n’est acté à ce stade », a-t-elle assuré. Les représentants des salariés sont unanimes sur le fait qu’il vaut mieux « convaincre et inciter » que « contraindre ». L’opposition au passe vaccinal au travail apparaît franche à la CGT, FO et la CFE-CGC, quand la CFDT se dit « très, très sceptique » et la CFTC « très réservée ». Continuer la lecture de Passe sanitaire au travail : les syndicats s’y opposent et expliquent pourquoi

Vaccins anti-Covid : l’Europe à la botte de Big Pharma

Le 13 octobre 2021, à Genève, manifestation pour la levée des brevets. © Fabrice COFFRINI / AFP

Malgré l’inégalité d’accès – seuls 3 % des doses mondiales ont été administrées en Afrique –, malgré l’échec du programme Covax, malgré l’émergence du variant Omicron… l’UE, désormais quasi seule, s’oppose obstinément à une levée temporaire des brevets. Pendant ce temps-là, Pfizer-BioNTech et consorts se gavent. Et la pandémie court toujours.

D’après les indiscrétions parues dans la presse spécialisée, l’acteur américain Danny DeVito vient d’achever un script dans lequel le Pingouin, son personnage de vilain qui, face à Batman, cherche d’ordinaire à mettre la main sur les bijoux les plus précieux de la ville, tomberait amoureux de Catwoman et, avec elle, partirait plutôt dérober les stocks de vaccins retenus par les multinationales pharmaceutiques en vue d’une spéculation effrénée et cynique. Coup de théâtre : le couple, déjà improbable, ferait en réalité tout ça pour distribuer les doses aux plus pauvres et sauver le monde entier du Covid-19… Loin de Gotham City, l’Union européenne, c’est un peu le contraire : un bon petit gars, visage avenant, ton affable, à qui on donnerait le bon dieu sans confession dans le prégénérique, mais qui deviendrait un terrible méchant avant la fin du film.

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Alyson McGregor : « Notre système de santé néglige les femmes »

Alyson McGregor enseigne la médecine à l’université Brown (États-Unis), où elle a fondé une division d’étude du sexe et du genre en médecine d’urgence. © Angela C. Brown

Mauvaise prise en charge des pathologies, absence de recherche médicale spécifique liée au genre… Dans « le Sexe de la santé », Alyson McGregor, médecin urgentiste américaine, fait le procès d’une médecine occidentale « androcentrée » qui met en danger la moitié de la population. Entretien.

Alyson McGregor est médecin urgentiste, spécialiste des questions de genre et de sexe. Elle enseigne la médecine à l’université Brown  (États-Unis), où elle a fondé une division d’étude du sexe et du genre en médecine d’urgence. Signataire de nombreux articles scientifiques sur ce thème, elle a cofondé le collectif Sex and Gender Women’s Health Collaborative, qui regroupe connaissances et pistes de formation.

Le Sexe de la santé, d'Alyson McGregor (Érès)

À pathologie cardiaque similaire, les femmes meurent plus que les hommes. Parmi tous les médicaments mis sur le marché, la grande majorité n’est jamais testée sur des femmes. La plupart de celles qui se présentent aux urgences à la suite d’un malaise risquent bien souvent de se voir renvoyées chez elles avec un diagnostic d’anxiété…

En s’appuyant sur des exemples cliniques, sur des études médicales à grande échelle et sur sa propre expérience de médecin urgentiste, Alyson McGregor fait le constat effarant de la différence abyssale existant entre le soin des patients et celui des patientes. Son livre, « le Sexe de la santé » (éditions Érès) se présente comme une source d’information pour les soignants comme pour le grand public, mais aussi comme un manuel destiné aux femmes, qui leur donne des armes pour être mieux entendues et donc mieux soignées.

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Démocratie. Politiques et médias, rien ne va plus et ce n’est pas un hasard

Symptômes de la crise démocratique, les charges des politiques à l’encontre de la presse s’intensifient depuis quinze ans. À l’approche de la présidentielle 2022, un nouveau cap est franchi par Éric Zemmour. Des rédactions s’en alertent.

Et le tapis rouge fut déroulé. À l’aube de l’annonce de sa candidature à une réélection, Emmanuel Macron était l’invité de TF1 pendant deux heures, mercredi, dans une émission taillée sur mesure. Vantant le bilan de son quinquennat, le chef de l’État en a profité pour détailler les pistes de son futur programme. Un événement que n’ont pas manqué de dénoncer l’ensemble de ses opposants, accusant la chaîne privée de servir les intérêts de l’actuel président de la République. Les médias sont ainsi de plus en plus ciblés pour leur manque d’indépendance et de déontologie. Les charges se multiplient d’ailleurs depuis une quinzaine d’années de la part des politiques. Parfois pour dénoncer les concentrations capitalistiques qui étouffent la presse, parfois pour lui cracher dessus alors qu’elle remplit son rôle de contre-pouvoir indispensable de la vie démocratique… « Ils attaquent autant la presse qu’ils ne l’utilisent », note Emmanuel Vire, secrétaire général du SNJ-CGT, au point de rendre le travail des journalistes de terrain toujours plus compliqué. Continuer la lecture de Démocratie. Politiques et médias, rien ne va plus et ce n’est pas un hasard

Économie. Pourquoi l’inflation fait trembler patrons et financiers

La hausse des prix fait son retour en France et en Europe, accompagnée d’un discours catastrophiste. Pour les syndicats, les salaires doivent revenir au centre du jeu. 

Un spectre hante l’Europe, celui de l’inflation… À en croire de nombreux médias, la spectaculaire hausse des prix (+ 4,9 % sur un an en zone euro) constitue une bombe à fragmentation qui pourrait menacer la reprise économique, mettre les entreprises à genoux et miner le revenu des citoyens. Ces craintes sont-elles fondées ? L’inflation peut-elle servir de prétexte à des politiques économiques austéritaires ? Décryptage.

1. Aux origines d’un phénomène mondial

Jusqu’ici, avec la modération salariale et la concurrence entre travailleurs imposée par la mondialisation, les prix évoluaient peu. La crise du Covid a bouleversé ce contexte. Le circuit économique, mis à l’arrêt en 2020, est reparti aujourd’hui de plus belle. La demande, portée notamment par la Chine, les États-Unis et le continent européen, s’est accélérée. Une sorte de rattrapage à la suite de la fermeture des commerces pendant de longs mois. Ce boom de la consommation, alors que la pandémie est toujours active, a pris de court les usines. Les pénuries se sont accumulées et même amplifiées avec la désorganisation mondiale des chaînes de production et de livraison. Résultat : le prix des biens intermédiaires nécessaires à la production comme les semi-conducteurs a grimpé. À cela s’est ajoutée une explosion des tarifs des matières premières, dont ceux de l’énergie. Rien qu’en France, ils ont progressé de 21,6 % en un an, selon l’Insee. Continuer la lecture de Économie. Pourquoi l’inflation fait trembler patrons et financiers

Les réseaux sociaux, des outils de campagne utiles pour élargir l’audience, moins pour débattre

Les réseaux sociaux offrent aux politiques l’opportunité de gagner en visibilité, pour relayer leurs idées et capter les électeurs. S’ils offrent une audience large, ils ont a priori chacun leur cible. De Facebook à Instagram en passant par Twitter, passage en revue de ces nouveaux terrains de la politisation.

Facebook, davantage grand public

Créé en 2004 par Mark Zuckerberg, le F bleu est le réseau pionnier qui a fait entrer le monde dans l’ère du « social media », quand il est devenu grand public en 2007-2008. Il revendique 2,74 milliards d’utilisateurs dans le monde, en novembre 2021, dont 40 millions en France. Son concept ? Tisser des réseaux d’« amis » et de « groupes » d’intérêts communs. Continuer la lecture de Les réseaux sociaux, des outils de campagne utiles pour élargir l’audience, moins pour débattre

Comment les réseaux sociaux profitent à la droite

Via les algorithmes qui invitent à s’émouvoir plutôt qu’à raisonner, les réseaux sociaux imposent une politique de la réaction qui favorise l’invective, le clash. Une simplification à l’extrême propice à la circulation des idées conservatrices, dans ce qui se voulait au départ une agora ouverte et connectée.

C’est un peu comme si 20 000 affiches avaient été placardées dans toute la France en l’espace de quelques heures à peine, pour soutenir Éric Zemmour. Le 8 novembre dernier, 20 000 tweets sont postés en moins de vingt-quatre heures avec ce hashtag : #LesFemmes AvecZemmour. Il ne s’agit évidemment pas d’un élan féminin spontané autour de la presque candidature du polémiste d’extrême droite. La galaxie des comptes pro-Zemmour s’est coordonnée, ce jour-là, pour un « raid numérique ». C’est-à-dire une campagne de posts simultanés, afin de « faire monter le hashtag » sur la plateforme. Plus il est employé dans des posts, plus il est visible. Mission accomplie : sur la simple base de ce hashtag, les médias embrayent, le même jour, sur la question des femmes dans la campagne de Zemmour. Et donc parlent de lui.

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