Qui veut la peau de la laïcité ? par Pierre Ouzoulias,

En Corse, le pape a dit tout haut de la laïcité ce que certains responsables politiques lui font subir à bas bruit. La séparation des Eglises et de l’Etat est aujourd’hui remise en cause par des élus, atténuant ainsi la force de ce principe consubtantiel à l’idéal républicain.

Pierre Ouzoulias (avatar)

Pierre Ouzoulias, Sénateur communiste des Hauts-de-Seine

La laïcité est mise à mal dans notre pays.

Ce constat est une triste évidence pour ceux qui, comme moi, sont attentifs au respect du principe de séparation des Églises et de l’État dans notre République ainsi qu’à la façon de garantir son efficience sur l’intégralité de notre territoire, hexagonal et ultra-marin. Continuer la lecture de Qui veut la peau de la laïcité ? par Pierre Ouzoulias,

Yann Raison du Cleuziou : « Cette tendance au durcissement du religieux dans la société française n’est pas proprement catholique »

Yann Raison du Cleuziou, Politiste et professeur à l’université de Bordeaux, Yann Raison du Cleuziou, qui a co-dirigé A la droite du Père, les catholiques et les droites de 1945 à nos jours (Le Seuil, 2022), analyse les glissements en cours : à mesure que le catholicisme se rétracte en France, ce sont les courants les plus conservateurs qui montent en puissance. Et chez ces fidèles qu’il appelle les « observants » – pour leur attachement à la ritualité et à la discipline -, les réticences qu’inspiraient les droites extrêmes sont en passe d’être levées. Version longue d’un entretien paru dans l’Humanité Magazine du 19 décembre.

 

Omniprésence de Vincent Bolloré et désormais de Pierre-Edouard Stérin, polémiques à répétition sur le pape François jugé trop « progressiste », crise ouverte dans le groupe Bayard… Assiste-t-on à un tournant réactionnaire dans le monde catholique français ?

Yann Raison du Cleuziou:

Pour penser les évolutions contemporaines du catholicisme, il faut avoir le contexte en tête. Parler de retour du religieux, c’est une erreur de perspective : la tendance globale, c’est bien un reflux, avec une progression des non-croyants et des athées. C’est parce qu’on est dans une société de plus en plus séculière, de plus en plus détachée de la matrice que fut le catholicisme majoritaire, que le religieux, en devenant minoritaire, apparaît paradoxalement de plus en plus clivant et donc visible. Continuer la lecture de Yann Raison du Cleuziou : « Cette tendance au durcissement du religieux dans la société française n’est pas proprement catholique »

Notre antiracisme doit être fondamentalement internationaliste

Par Thomas Vescovi, enseignant et doctorant en Études politiques et Dominique Vidal, historien et journaliste.

 

Les rapports annuels sur les actes et préjugés racistes en France démontrent l’urgence d’une réponse politique à la hauteur du péril.

Les statistiques pointent notamment la progression alarmante de l’antisémitisme. Un défi face auquel la gauche se confronte à deux pièges.

D’un côté, les organisations progressistes peinent à reconnaitre leur propre manquement et la prégnance, en leur sein, de préjugés voire d’actes à caractère antisémite. Il est intolérable de nier systématiquement les dénonciations des militants juifs de gauche, par suspicion qu’ils instrumentaliseraient la haine antijuive pour silencier les voix critiques d’Israël. Un biais qui, en lui-même, porte un postulat antisémite. Continuer la lecture de Notre antiracisme doit être fondamentalement internationaliste

« Hitler s’est trompé d’ethnie à exterminer » : quand députés et soutiens du Rassemblement national déversent leur haine sur Facebook

Quinze députés ont participé aux discussions du groupe Facebook «* Rassemblement national * (direction 2027 !) », dont les membres multiplient les publications racistes, les appels au meurtre et les soutiens explicites à Marine le Pen. Selon les informations du média en ligne « Les Jours », ces élus d’extrême droite n’ont pas hésité à rester membres du groupe pendant plusieurs années.

 

De la saillie xénophobe à la menace de mort, le groupe privé «* Rassemblement national * (direction 2027 !) » symbolise la violence et le racisme inhérents à l’extrême droite. Accessible sur Facebook après avoir répondu à plusieurs questions et reçu une validation des administrateurs, ce groupe a été épinglé par le média en ligne les Jours, dans une enquête publiée mercredi 18 décembre. En cause : la participation, plus ou moins active, de quinze députés du parti présidé par Jordan Bardella et mené par Marine le Pen. Neuf d’entre eux ont tenté de discrètement quitter le groupe après avoir été contactés par les Jours. Continuer la lecture de « Hitler s’est trompé d’ethnie à exterminer » : quand députés et soutiens du Rassemblement national déversent leur haine sur Facebook

Bolloré, Stérin, prêtres influenceurs… comment l’extrême droite séduit les jeunes cathos ?

Crise d’orientation dans un groupe de presse aussi central que Bayard, activisme de milliardaires zélés comme Bolloré ou Stérin, attaques virulentes contre le pape ou la hiérarchie épiscopale, jugés trop « progressistes »… Les signaux se multiplient : à mesure qu’ils deviennent minoritaires dans le pays, une partie non négligeable des catholiques français, notamment les plus jeunes, cède aux sirènes des droites extrêmes.

C’était quelques jours avant la révélation par « l’Humanité » de l’embauche d’Alban du Rostu au sein de la direction du groupe de presse et d’édition Bayard. Après l’annonce mi-novembre du rachat surprise, aux côtés de Vincent Bolloré, d’une école de journalisme, l’ESJ Paris, voilà que l’ex-bras droit du milliardaire Pierre-Édouard Stérin, à l’origine du plan Périclès pour faire gagner les droites extrêmes dans les têtes et dans les urnes, venait d’apparaître dans l’organigramme interne, placé au service du nouveau président du directoire, François Morinière.

Alors contacté par nos soins, un journaliste du groupe, central dans le monde catholique en France avec ses titres phares comme la Croixle Pèlerin  et, pour la jeunesse, J’aime lireAstrapi ou Okapi, voit la terre céder sous ses pieds. « On ne peut pas laisser Bayard tomber dans les mains de l’extrême droite », souffle-t-il, au diapason avec une majorité de ses collègues qui, en une semaine, feront reculer les actionnaires de la congrégation des assomptionnistes.

Sur le moment, sidéré, il ne cache pas son pessimisme. « Nos lecteurs vieillissent et les jeunes catholiques sont beaucoup plus radicaux que leurs aînés : ils n’aiment pas l’œcuménisme, l’ouverture à l’étranger, les débats et le consensus, tout ce qui faisait l’équilibre de notre ligne éditoriale. Pour eux, ceux qui défendent les chrétiens aujourd’hui, ce sont des figures comme Bolloré et Stérin en France, ou Trump dans le monde… Et plus vraiment le pape François, ou Bayard ! »

À Bolloré la propagande, à Stérin le financement de la « rechristianisation »

Crise dans le microcosme de la presse catholique, révélateur dans le macrocosme de l’Église en France. Tandis qu’Alban du Rostu avance dans le Point qu’il venait chez Bayard sans rôle éditorial, juste pour « ouvrir des parcs « Petit Ours brun » », Fabien Lejeusne, supérieur provincial d’Europe des assomptionnistes, tente de rassurer dans un courrier adressé aux auteurs jeunesse, pas complètement convaincus, même après le recul du groupe : « Il n’y a pas de bascule idéologique, nous nous tenons au milieu de la nef, ni traditionalistes, ni progressistes, ni extrême droite, ni extrême gauche. »

L’ennui, c’est qu’à mesure que cette nef se vide de ses fidèles, de gros ours bruns rabattent, à coups de milliards d’euros, la doctrine sociale de l’Église sur leurs propres névroses et, comme le souligne le politiste Yann Raison du Cleuziou, qui a notamment codirigé la précieuse somme « À la droite du Père, les catholiques et les droites de 1945 à nos jours » (le Seuil, 2022), les fidèles qu’ils appellent « observants », calés sur les positions les plus conservatrices, gagnent en visibilité et en influence, quand les autres courants se rétractent…

Dans le paysage, les rôles sont bien répartis. À Bolloré le conditionnement de l’opinion et la propagande : au-delà de « Paris Match » (désormais aux mains de Bernard Arnault) , Europe 1 et le « JDD », sa chaîne CNews a disputé à KTO la diffusion de la cérémonie religieuse des Holy Games sous la houlette de l’épiscopat français. À Stérin l’occupation de tous les terrains : à travers sa philanthropie, avec son Fonds du bien commun, mais aussi via des initiatives comme la Nuit du bien commun qu’il a cofondée, il finance à fonds perdu tout ce qui permet de « rechristianiser » le pays, des maisons de retraite aux patronages, en passant par les calvaires ou les écoles privées, sans oublier son projet Monasphère, abandonné devant les protestations, de créer des lotissements chrétiens…

Et des tas d’autres acteurs, plus modestes, prennent le relais, à droite et à l’extrême droite, pour taper comme des sourds sur le pape, jugé trop « progressiste » ou négligeant la « fille aînée de l’Église », sur les évêques décrits comme timorés, sur les curés qui, dans leurs homélies, ne parleraient jamais des sujets qui fâchent, comme l’avortement ou la fin de vie… Ou même sur le couturier Jean-Charles de Castelbajac qui a, selon ces voix, transformé la réouverture de Notre-Dame en « carnaval » en habillant les prélats avec ces couleurs chatoyantes, « de mauvais goût » et surtout en décalage avec la ligne liturgique du concile de Trente entre 1545 et 1563…

Un goût prononcé pour le culte le plus fastueux et rigide

Sans aller jusqu’à une nouvelle contre-réforme, les jeunes catholiques, devenant minoritaires et se vivant comme menacés par les musulmans, se constituent plus que jamais en contre-culture. Avec des codes vestimentaires, comme la soutane de retour chez les prêtres et pour les laïcs le sweat de la « Manif pour tous » ou les pantalons aux couleurs vives prisés dans les collectifs d’agit-prop réactionnaires (Hommen, Veilleurs, Sentinelles…). Mais surtout une fluidité totale entre des courants jadis séparés, avec un goût prononcé pour le culte le plus fastueux et rigide.

« Le vrai clivage n’est pas entre traditionalistes et charismatiques, mais entre ceux qui prennent le tournant du christianisme identifié et décomplexé et ceux qui restent dans l’Église des années 1980, où il faut s’excuser d’être chrétien », expliquait à « la Vie », il y a une dizaine d’années, l’abbé Grosjean, prêtre du diocèse de Versailles (Yvelines), qui fait figure d’ancêtre parmi les influenceurs cathos. Star de ces réseaux aujourd’hui, frère Paul-Adrien confirme, sur la base d’un « sondage » au sein de sa communauté numérique : « Ce que veulent les jeunes chrétiens en France, c’est plus de fermeté doctrinale, plus de sacré à la messe, et qu’on leur donne enfin les moyens d’être fiers de leur foi et de pouvoir le dire dans la société. »

Le temps joue en faveur de ces nouveaux « rebelles » de la foi, et ils le savent : alors que les séminaires diocésains subissent de plein fouet la crise des vocations, ceux des communautés, comme celle de Saint-Martin avec son décorum spectaculaire et ses moyens considérables – Proclero, son fonds d’investissement, détient des actifs d’une valeur de 100 millions d’euros –, font le plein et occupent désormais une place de premier rang dans les ordinations en France.

Une radicalisation encouragée sous Jean-Paul II et Benoît XVI

Moins nombreux mais plus visibles, les catholiques conservateurs cherchent toujours à frapper la rétine et les esprits. Ce qui ne va pas sans crispations dans tout le pays : à Solignac (Haute-Vienne), à Lagrasse (Aude) ou ailleurs, les prétentions expansives de religieux particulièrement intransigeants suscitent la colère des voisins des abbayes. À l’échelle nationale, les initiatives se multiplient pour réinstaller les catholiques conservateurs dans le débat et l’espace publics.

Pour les élites, il y a, depuis 2023, un « dîner des bâtisseurs », et de son côté le patronat chrétien se relance. Pour les masses, plus bourgeoises que jamais chez les pratiquants, les occasions de défiler ne manquent pas, de la prière de rue après la cérémonie jugée « blasphématoire » des JO aux sept routes de Notre-Dame cet été. Ces dernières années, un rendez-vous s’est imposé entre tous : le pèlerinage de Chartres, organisé autour de la Pentecôte par les traditionalistes de Notre-Dame de chrétienté et dont CNews a diffusé en direct la messe en latin qui l’a conclu. Un événement qui rassemble près de 20 000 participants.

#ConferenceNationalePCF (Vidéo) + Parlons au peuple d’abord – Introduction de Fabien Roussel (Video)

NDLR de MAC: Compte tenu de l’importance du débat, MAC se devait de porter à la connaissance du plus grand nombre de nos concitoyens-nes, les différentes interventions des délégués-es à la conférence du 14 décembre 2024 sans exclusive pour comprendre ce qui a présidé à l’élaboration de la feuille de route du PCF votée à 79,09 % des représentants-tes. Cela va faire grincer des dents et pour autant dans la continuité du 39ème congrès, les communistes  se mettent en ordre de bataille sans céder aux tentatives d’effacement, de dilution de la construction engagée vers le communisme! une feuille de route claire pour aller à la rencontre, partager nos propositions et construire les majorités à gauche pour gagner…


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Retransmission des prises de paroles


Parlons au peuple d’abord, introduction de Fabien Roussel

Cette introduction dit ce qu’a été cette conférence nationale et comment elle a mis le PCF en position de lutte pour la France, face à la crise politique, économique, culturelle qui frappe notre pays et sa place réelle dans le mouvement du monde. C’est un choix qui nous permet à nous Français, progressistes, révolutionnaires, de nous rassembler, d’être organisés en nous donnant un but et un chemin, le socialisme. Continuer la lecture de #ConferenceNationalePCF (Vidéo) + Parlons au peuple d’abord – Introduction de Fabien Roussel (Video)

Quelles luttes féministes face à l’extrême droite ? (En débat)

Le camp réactionnaire a le vent en poupe en France, le RN et ses alliés comptent 143 députés à l’Assemblée nationale. Dans ce contexte, les organisations et militantes pour les droits des femmes sont en première ligne de la bataille.

Dans la manifestation féministe contre l’extrême droite, à Paris le 23 juin 2024. © Emmanuelle Thiercelin/divergence-images crédits

 

Comment organisations et associations féministes ont-elles réagi à la séquence de la dissolution entre les élections européennes et législatives ? Comment mènent-elles leur combat contre les régressions et les conservatismes ? Un débat intitulé « Front féministe contre front réactionnaire » s’est tenu en septembre à l’Agora de la Fête de l’Humanité, réunissant quatre militantes féministes.

Comment vous et vos organisations féministes vivez-vous cette séquence politique depuis la dissolution ? Continuer la lecture de Quelles luttes féministes face à l’extrême droite ? (En débat)

Fabien Roussel : « Nous appelons à un pacte social et républicain »

Fabien Roussel doit être reçu, ce lundi, par Emmanuel Macron à l’Élysée, avec André Chassaigne et Cécile Cukierman. Ils y défendront notamment plusieurs mesures d’urgence sociale alors que le président doit nommer très vite un nouveau premier ministre.

Pourquoi fallait-il censurer le gouvernement de Michel Barnier ?

Ce budget était dangereux pour la France et risquait de faire entrer notre pays en récession, d’aggraver les difficultés de nos services publics, de nos communes, de nos associations et de nos concitoyens. Il n’apportait aucune réponse à la vie chère, dans l’Hexagone comme en outre-mer, ni aux centaines de milliers de salariés qui subissent des plans sociaux.

Qu’irez-vous dire à Emmanuel Macron, ce lundi ?

Qu’il est urgent de sortir la France de l’impasse et d’ouvrir des perspectives aux Français, aux élus, aux salariés, aux TPE et PME. L’inquiétude et la colère montent très fort dans le pays. Y répondre est de notre responsabilité collective.  Nous sommes prêts à engager un dialogue pour trouver des solutions collectives républicaines et donner une stabilité au pays.

Le président souhaite un « gouvernement d’intérêt général ». Qu’en pensez-vous ?

Nous appelons, nous, à un pacte social et républicain. Social d’abord, parce qu’il y a beaucoup de réponses à construire face à l’urgence sociale. Je pense aux salariés qui craignent pour leur emploi, aux services publics, à notre industrie, aux retraités, au pouvoir d’achat, à la facture d’électricité.

Les politiques sociales et la question de l’emploi sont au cœur des préoccupations. Un pacte républicain, ensuite, parce qu’il ne faut rien céder sur les valeurs de la République. Il ne faut plus laisser l’extrême droite dicter sa politique au futur gouvernement.

Croyez-vous qu’il soit possible d’arriver à un tel gouvernement, voire d’y participer ?

Il faudra construire des majorités texte par texte, mais aussi construire un accord de non-censure pour pouvoir avancer. Nous avons bien conscience que la gauche n’a pas de majorité absolue. Mais personne ne l’a.

Pour garantir un minimum de stabilité, il faut que les forces républicaines trouvent un chemin et les moyens de se mettre d’accord en faisant chacun un pas vers l’autre.  Pour cette raison, nous avons fait une série de propositions que nous mettons sur la table pour discuter. Nous agirons et ferons nos choix en fonction du gouvernement qui sera nommé et des décisions qui seront prises.

Le premier ministre doit-il être de gauche ?

C’est préférable, mais, surtout, le premier ministre doit être capable de construire avec la gauche et d’obtenir un accord de non-censure au-delà de la gauche. Pour les communistes, ce qui compte, c’est qu’il soit respectueux du Parlement, des forces républicaines et surtout – pour nous, c’est essentiel – des électeurs et de ce qu’ils ont voté lors des dernières élections.

Posez-vous des conditions ?

Gabriel Attal et les macronistes ont fait preuve de beaucoup de sectarisme. Ils ont dit cet été que si un gouvernement du Nouveau Front populaire était nommé, comprenant la France insoumise, ils le censureraient automatiquement. Et quand les insoumis ont dit qu’ils ne seraient pas une force de blocage, qu’ils pourraient ne pas participer au gouvernement, la Macronie a maintenu la censure automatique de tout gouvernement de gauche.

Nous ne sommes pas sectaires comme eux. Nous, nous censurons en fonction de la politique menée. Nous jugerons sur pièces. Pour garantir un minimum de stabilité, chacun devra faire un pas vers l’autre. Il faut avoir une capacité de dialogue.

L’abrogation de la réforme des retraites, l’indexation des salaires et des retraites sur l’inflation, la protection de l’industrie, de nos services publics et de nos communes, la justice fiscale, le poids des banques sont des éléments essentiels pour nous. Nous les mettons en avant pour discuter. Nous appelons les autres forces, notamment les macronistes, les centristes, le groupe Liot, le Modem, à regarder ce qu’elles sont prêtes à faire sur ces sujets. La seule chose qui compte pour nous est la politique qui sera mise en œuvre, nous nous déterminerons en fonction de cela.

Y a-t-il un risque pour la gauche à apparaître dans la période comme un élément de blocage ?

Si le pays est bloqué aujourd’hui, c’est le fait du président de la République et des députés de son camp refusant tout dialogue et tout compromis. Ce sont eux qui ont dit censurer, quoi qu’il arrive. Face à cela, j’appelle la gauche à être la plus unie possible pour peser. Ensemble, nous comptons 193 députés. C’est une force, la première coalition de l’Assemblée nationale.

La FI souhaite appliquer strictement le programme du NFP. Le PS semble prêt à des compromis. Cela ne risque-t-il pas de désunir la gauche ?

Ce qui compte, c’est comment nous parvenons à l’union du peuple de France, à mettre en place un rapport de force favorable aux intérêts du peuple. Chaque force politique de gauche est autonome mais nous devons travailler à cette union du peuple de France.

Peut-être certaines forces de gauche accepteront-elles de gouverner avec des macronistes ; d’autres ne le feront pas, et certains refuseront tout dialogue, comme la FI. Mais cela ne doit pas nous empêcher de trouver des solutions à l’Assemblée pour défendre les intérêts du peuple.

Quel doit être le rôle des communistes ?

Le rôle du PCF se résume en trois mots : unir, unir, unir. Car tout est fait pour nous diviser, opposer les Français entre eux. Je pense aux salariés rencontrés ces derniers jours : ceux d‘Arcelor, des Fonderies de Bretagne, de Michelin. Les angoisses sont fortes, les colères immenses.

Nous devons trouver des réponses et des solutions urgentes à tous ceux qui se battent. Pour cette raison, j’appelle les communistes, les élus, les militants, à être très présents dans les luttes, sur le terrain, à l’écoute et en même temps à faire mesurer la gravité de la crise.

Emmanuel Macron doit-il démissionner ?

Sa démission n’est envisageable que si lui-même l’envisage. C’est une décision qui lui revient. Nous ne considérons pas que c’est la priorité du moment. Et nous pensons même que provoquer une présidentielle maintenant ne résoudrait en rien les problèmes, puisque nous resterions avec la même Assemblée et la même incapacité de gouverner, sauf à refaire des législatives dès septembre 2025.

La France rebasculerait dans une période électorale. Cela ne résoudrait rien aux problèmes de nos concitoyens et on risquerait un an de plus d’immobilisme et de fractures. On risque surtout de creuser encore davantage le fossé entre nos concitoyens et les responsables politiques. Créons plutôt toutes les conditions pour que le Parlement joue son rôle et que le pouvoir ne soit plus à l’Élysée.

Pour 2027, Marine Tondelier et Lucie Castets souhaitent une candidature commune de toute la gauche. Jean-Luc Mélenchon propose la même chose en cas d’élections anticipées, mais sans les communistes ou l’aile droite du PS. Quelle est votre perspective ?

Nous sommes dans un moment où les Français sont inquiets pour l’avenir du pays, pour leur pouvoir d’achat. Franchement, quand je vois des responsables politiques obnubilés par la question des présidentielles, je pense que ce n’est pas le meilleur message que nous pouvons renvoyer. Au PCF, nous aborderons le sujet le moment venu. Notre projet de société qui s’attaque au coût du capital et place la paix au cœur de nos relations internationales est d’actualité.

Nous avons, de plus, des personnalités qui ont émergé ces dernières années et une culture du rassemblement que d’autres n’ont pas. Nous avons aussi toute légitimité à incarner une candidature de gauche, de rassemblement, lors de futures échéances nationales. Abordons ce débat, le moment venu, avec cela en tête, sans complexe.

Quels sont les enjeux de la conférence nationale des communistes qui se tient samedi ?

Elle doit faire le bilan des dernières élections. Beaucoup de communistes sont déçus par l’alliance conclue lors des législatives. Mais tout le monde veut aussi que la gauche gagne en étant unie et rassemblée. Beaucoup de fédérations veulent construire des candidatures de rassemblement plus en prise avec les réalités locales.

Il ne s’agit pas de tirer un trait sur le NFP et l’union, mais au contraire de construire des candidatures beaucoup plus efficaces et en capacité de l’emporter.  Enfin, nous devons nous projeter, nourrir et réaffirmer le projet communiste en tenant compte de ce qui se passe. Jamais le capitalisme n’a été aussi violent, guerrier, impérialiste et, dans beaucoup de pays, il a fait le choix du nationalisme et de l’extrême droite.

Nous devons mesurer combien il est un danger pour la planète, pour l’Europe, pour la France. Face à cela, il y a nécessité de réaffirmer le projet communiste, le besoin de communisme, ce chemin que nous voulons prendre en construisant un socialisme à la française.

Les angles morts d’une analyse récente des électeurs RN

Par Florian Gulli
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Félicien Faury, Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite, Seuil, 2024.

LE LIVRE

L’enquête porte sur la période 2016-2022. Le sociologue va à la rencontre d’électeurs RN dans le sud-est de la France. Ils sont sociologiquement différents des électeurs RN du nord-est. Ils sont moins exposés à la précarité, à la pauvreté et au chômage, même si leur situation demeure marquée par la fragilité et l’incertitude. Néanmoins, le fil qui les relierait serait le racisme.

Le livre critique l’idée suivante : le vote RN serait un exutoire permettant d’exprimer une souffrance sociale, un vote essentiellement motivé par des causes économiques et sociales. Cette idée minore la motivation raciste du vote RN. La stratégie « fâchés pas fachos » incarnerait cette tendance à relativiser le racisme des électeurs RN. Les électeurs RN ne sont pas de pures victimes sociales mais aussi des agents actifs du racisme. Il n’y a pas non plus, d’un côté le social, de l’autre l’identitaire. Les deux aspects sont imbriqués. « Par exemple : les immigré·es profitent des allocations sociales, ce qui provoque une baisse du pouvoir d’achat des “natifs”, par les impôts et les charges que cela engendre. […] Par exemple : la baisse de l’immigration permettrait d’améliorer la situation économique globale du pays, et donc de faire augmenter le pouvoir d’achat des “Français” ».

« La gauche exclut de son domaine de compétence de plus en plus de questions ; à l’opposé de l’extrême droite qui, sans vergogne, s’empare de tout. » Continuer la lecture de Les angles morts d’une analyse récente des électeurs RN

Lettre du PCF au Président de la République…

Ce texte adressé au président de la République est signé par Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, André Chassaigne, député, président du groupe GDR, Cécile Cukierman, sénatrice, présidente du groupe CRCE.K. Contrairement à certaines réactions qui le cœur en écharpe et affilié depuis des années au soutien à Mélenchon et à toutes les social-démocraties en feignant la radicalité, je n’y vois que prudence et bon sens. Et surtout, dans sa rédaction actuelle, elle laisse au conseil national, éclairé par les débats de la conférence nationale mais demeurant le seul juge, la possibilité de trancher, ce qui n’est pas le cas des autres forces politiques qui ont choisi sans consultation des mesures aussi graves qu’exiger la démission du président ou leur participation à des gouvernements.

1) Que le PCF ne considère pas comme l’exploit du siècle le vote de la motion de censure mais s’y soit résigné parce que c’était le seul moyen de bloquer cette perte de revenus pour les retraités, les citoyens, les communes, perte de subventions pour les associations, perte de fonds pour nos hôpitaux, l’éducation, manque de moyens pour la justice, la sécurité et la transition écologique est juste. C’est exactement à cause de cela que 54% des Français l’approuve sans partager l’extase du groupe LFI. D’ailleurs le RN qui tente par tous les moyens d’être ce que les communistes ont été pour le peuple français, une voix de bon sens, proche du peuple, parlant d’une seule voix, sans divisions inutiles et querelles perpétuelles, ont joué dans le registre modeste.

2) Car comme dit également le texte nul ne peut se satisfaire de l’instabilité actuelle. Il y a des décisions à prendre, des urgences, par exemple la multiplication des fermetures d’entreprises, le désarroi de nos paysans, les guerres… la baisse de notre niveau d’éducation, la guerre donc personne ne peut accepter de ne pas tout faire pour que les problèmes soient réglés. La mesure préconisée par Fabien Roussel de “nationalisation” temporaire ou définitive, l’interdiction des licenciements boursiers, doit être comme les six mesures du conseil national au centre de la conférence nationale.

3) Il y a un problème démocratique dans le fonctionnement de nos institutions, cette crise le prouve. A ce propos on peut considérer qu’une telle lettre devrait soulever lors de la conférence du parti une exigence concernant la Constitution, la Ve République n’est pas plus que l’Europe actuelle en situation de fournir un cadre démocratique juste et efficace, pour le moment il va falloir procéder d’une manière inusitée en tenant compte du poids réel de la gauche dans la représentation nationale. La rédaction du texte ne va pas au-delà du mandat du Conseil national et c’est une bonne chose.(1)

4) Avec beaucoup de réalisme et de lucidité, cette lettre collective ne se lance pas dans l’idée d’une participation à un gouvernement macrocompatible comme ont cru devoir le faire les socialistes. Ni dans une exigence de démission du président de la République et il faut être aussi hors sol que certains “radicaux” pour ne pas voir qu’une telle revendication est celle qui conduit le plus directement vers le rassemblement national. C’est un choix qui ne semble pas étranger à Macron et ceux dont il est le fondé de pouvoir, il est inutile d’aller au-devant de leur tactique. Il faudrait au contraire passer le temps qui nous sépare de cette échéance à faire la preuve de l’efficacité des communistes, de la gauche, des syndicats sur les problèmes concrets et arrêter ce cirque et sa confusion.

5) En l’état et en attendant la discussion collective cette lettre est ce qui est le plus en conformité avec ce qu’ont décidé les instances du parti et qui parait également le plus proche des inquiétudes populaires. Elle a en outre l’immense mérite d’être en conformité avec les exigences de toute la gauche et de ne pas intervenir en quoi que ce soit comme un facteur de division.

Danielle Bleitrach

PS je signale si certaines âmes sensibles avaient de la peine pour Barnier que comme les ministres présidents qui en général ont connu un job moins éphémère il part avec quelques consolations :

  • 44 730€ d’indemnité de départ 1 voiture/chauffeur à vie
  • 150 000€ par an pour ses frais

(1) A partir du moment où on est républicain et le socialisme à la française est républicain, il y a une constitution et un état de droit. On doit dénoncer la Constitution de la Ve comme l’ont toujours fait les communistes mais aussi en tant qu’élus du peuple la respecter et il faut apprécier l’attitude des communistes par rapport au dilemme constitutionnel, ce qui donne tout son prix alors la “distance” de cette lettre avec d’autres choix.

Quand on critique la Constitution il faut le faire en connaissant sa logique de fonctionnement. Mais aussi en quoi actuellement elle révèle dans ses blocages un processus plus fondamental. Actuellement tant dans les constitutions que dans l’évolution de leur fonctionnement, il y a des blocages qui montrent en quoi ces institutions parce qu’elles sont faites pour maintenir les pouvoirs en place tendent vers le fascisme pour empêcher le socialisme.

En ce qui concerne la Constitution française, tous les commentateurs ont pris acte du fait que la Constitution française de la Ve, conçue comme la plus monarchique par De Gaulle avait abouti à un retour au parlementarisme après la dissolution… ce qui reste théoriquement dans l’ordre d’un simple changement insitutionnel.

Face à ce qui s’est passé à la suite de la dissolution et en prenant au pied de la lettre la dite Constitution, il faut partir du fait que le président de la Ve République a un rapport direct avec le peuple souverain, il nomme le premier ministre mais ce sont les citoyens qui ont fait le choix. Quand le président à une majorité, pas de problème, mais les Cohabitations montrent que le président n’est pas maître du choix, il doit nommer le chef de la majorité issue des urnes. D’ailleurs quand Jospin propose de passer du septennat au quinquennat, des législatives dans la foulée de l’élection présidentielle c’est parce que, vu les manipulations mitterrandiennes face à l’inconfort des cohabitations où effectivement le président avait du nommer le choix de l’électeur et pas le sien, en particulier son invention de l’extrême-droite comme rabatteur, il s’agissait de continuer pour Jospin de s’assurer la majorité et le confort de nommer.

Oui mais voilà au plus fort de la contestation du pouvoir, le répulsif RN est devenu choix… C’est là que vient à Macron à l’idée folle de dissoudre alors que lors des européennes le choix du peuple s’est porté sur le RN et il n’a plus de majorité. Dissoudre est soit une folie qui lui assure temporairement une majorité républicaine tous contre le RN soit il a choisi de voir lui succéder l’extrême-droite, lui ou ses bailleurs. Ce qui arrive n’est après la dissolution n’est pas la cohabitation à cause du front républicain, l’opération mitterrandienne qui cette fois mène au chaos avec le poids des insoumis qui ne rêvent que présidentielle avec leur chef ou un de ses suppots. Et donc on en revient au parlementarisme tel qu’il fonctionne dans d’autres pays d’Europe, l’Allemagne par exemple. Le groupe arrivé en premier est celui dans lequel le président (qui depuis la dissolution et même avant a perdu son influence y compris sur son propre groupe) doit accepter le choix. En l’occurrence c’était tant qu’ils demeuraient unis le NFP. Mais demeurer unis sous la férule de Mélenchon s’avérait déjà difficile mais avec l’obsession présidentielle de Mélenchon cela devenait impossible.( Olivier Faure vient d’ailleurs de porter un coup de grâce à ce regroupement électoral en allant seul voir Macron, il joue entre son congrès et les municipales mais il risque de perdre les deux ce sera la dernière œuvre de Mélenchon qui perd là définitivement d’ailleurs toute possibilité d’être président).

Donc si les institutions de la Ve avaient viré au parlementarisme sans trop de heurt, le président aurait dû faire appel au groupe NFP et lui laisser faire la preuve qu’il savait jouer le jeu des majorités suivant les propositions. Et si cela s’avérait impossible pour diverses raisons dont dans ce cas la fièvre de la LFI à jouer le tout ou rien en espérant la fin et bis repetita la démission du président, en fait dans ce cas le président consulte sa deuxième force le Rassemblement national et à son tour de négocier la pratique gouvernementale. Bref quand Macron se plaint que ces gens là n’ont pas joué le jeu qui lui permettait d’avoir les mains libres pour s’assurer dieu sait quoi, peut-être le rêve d’une présidence européenne?

Notez bien que toute l’agitation retombe toujours sur le dit RN, qu’il s’agisse de la division du groupe NFP ou de son échec par refus de transiger, on retombe toujours sur la nécessité de faire appel à eux. Et comme l’obsession présidentiable de Mélenchon va dans le même sens on voit à quel point cette Constitution telle qu’elle a été conçue puis pratiquée ne peut mener qu’à l’extrême-droite qui est devenu le visage du souverainisme et face à la disparition de l’alternative socialiste la seule manière pour les peuples de croire exprimer patriotisme et même lutte des classes.