« Les ONG ne doivent pas hésiter à saisir la justice pour se défendre » : alerte l’avocat Vincent Fillola face à la recrudescence des attaques politico-médiatiques

Pour l’avocat Vincent Fillola, expert en droit pénal et droit pénal international, de nombreux acteurs de la solidarité font face à une « stratégie globale de persécution politique et judiciaire ». Des actions illégales contre lesquelles il faut se battre pour les faire reconnaître comme telles.

 

Depuis plusieurs mois, les ONG telles que La ligue des droits de l’homme (LDH), Amnesty International, Médecins sans frontières, SOS Méditerranée, la Cimade ainsi que de nombreux acteurs associatifs alertent sur une intensification des attaques politico-médiatiques à leur encontre.

Campagnes diffamatoires sur les réseaux sociaux, dégradations de locaux, déclarations hostiles de responsables politiques, menaces, agressions… Ces acteurs de la société civile sont dans la ligne de mire de ceux qui œuvrent à l’instauration d’une société autoritaire et répressive à l’égard des contre-pouvoirs. Pour l’avocat Vincent Fillola, ces organisations doivent saisir systématiquement la justice pour se défendre.

Les associations font l’objet d’attaques notamment lorsqu’elles abordent les sujets de l’accueil des exilés ou du conflit israélo-palestinien. Est-ce un fait nouveau ?

Vincent Fillola, Avocat

On assiste aujourd’hui à une conjonction entre la manière dont les réseaux sociaux fonctionnent et les choix éditoriaux d’une partie des médias français. Les espaces d’expression sont de plus en plus polarisés et radicalisés. Les combats portés par les organisations de la société civile y sont caricaturés en positions partisanes. Leurs observations documentées, étayées et factuelles sont décrédibilisées, qu’elles concernent les conflits au Proche-Orient, la défense de l’environnement, etc.

Quelles sont les formes que peut prendre cette persécution ?

D’abord, on empêche ces organisations de fonctionner correctement, par le chantage à la subvention, par exemple. Des actions sont mises en œuvre pour freiner leur travail par la loi, le décret ou l’action gouvernementale. On les contraint en les persécutant judiciairement, en plus de leur couper les vivres. Leurs missions sont perverties par la caricature. On les essentialise. On radicalise leurs propos de sorte qu’ils perdent leur sens et leur puissance.

Enfin, il y a aussi des conséquences individuelles. Des bénévoles ou des salariés sont très directement exposés à des campagnes de cyberharcèlement violentes, voire à des actions violentes tout court. Des locaux sont attaqués. Que ce soit dans la vie numérique ou dans le réel, on assiste à une mise en danger des organisations de la société civile et de leurs acteurs à tous les étages, politiques, réputationnels, communicationnels et physiques individuels.

Que penser de ministres de l’Intérieur comme Bruno Retailleau, dénigrant l’action de la Cimade au sein des centres de rétention, ou comme Gérald Darmanin, avant lui, jetant la suspicion sur la LDH ?

La bataille culturelle dérive sur le terrain de l’action publique. Des élus n’hésitent pas à utiliser leurs fonctions pour nuire directement à ces organisations. On est face à une stratégie globale de persécution politique et judiciaire. Je crois que le droit est un outil dont il faut que les organisations de la société civile s’emparent de manière quasi systématique pour répondre à ces attaques et stopper cette dérive.

Les organisations de la société civile utilisent depuis longtemps la justice pour mener des contentieux stratégiques. En revanche, elles l’utilisent beaucoup moins pour se protéger elles-mêmes. Je pense qu’il faut systématiser le recours au dépôt de plainte lorsque des agents ou des bénévoles sont pris à partie sur les réseaux sociaux ou physiquement dans le cadre de leur action, lorsque des locaux sont dégradés, lorsque des lignes rouges sont franchies sur le terrain de la liberté d’expression, lorsque des dirigeants d’organisation sont diffamés, accusés d’être des islamistes ou des écoterroristes, etc.

Pourtant, la justice ne semble pas très efficiente face à des États qui bafouent le droit des étrangers aux frontières, commettent des crimes de guerre ou ne respectent pas les résolutions de l’ONU…

La justice n’est pas parfaite mais constitue un recours utile et parfois même le seul. Nous avons désormais un pôle spécialisé du parquet de Paris contre la haine en ligne. Il y a un certain nombre de choses qui sont déployables, qui sont utilisables et dont on aurait tort de se priver d’utiliser, parce qu’on pense que cela n’aboutira pas. La justice peut être dysfonctionnelle, elle peut être décevante. Mais elle n’est pas inopérante ni aux ordres.

Le recours au droit de réponse, dans les médias, peut également être quelque chose d’utile. Il peut permettre de replacer la parole objective, les combats et les missions qui sont menés par les organisations de la société civile dans un contexte, pour lutter contre une volonté de les caricaturer, de les stigmatiser et, in fine, de cornériser leur action.

Denis Colombi : « Les nouvelles formes d’exploitation au travail sont invisibilisées » in Alter. Eco.

Denis Colombi Professeur de sciences économiques et sociales et sociologue

 

Les ouvriers d’aujourd’hui ne sont pas ceux dont Charlie Chaplin décrivait le quotidien répétitif dans Les temps modernes. Ce sont des livreurs, des chauffeurs Uber, mais aussi, pour les métiers féminins, des aides-soignantes et des aides à domicile dont le travail est trop souvent invisibilisé, analyse Denis Colombi, sociologue et enseignant en sciences économiques et sociales au lycée.

Après Pourquoi sommes-nous capitalistes (malgré nous) ? (Payot, 2022), il vient de publier, sur les nouvelles formes d’exploitation, Qui travaille vraiment. Essai sur l’invisibilisation du travail (Payot). Il y pointe le brouillage des frontières entre vie professionnelle et vie personnelle.

Vous signalez dans l’introduction de votre dernier livre que 36 % des salariés travaillent aujourd’hui en horaires atypiques. En quoi est-ce le signe d’une progression des formes d’exploitation ? Continuer la lecture de Denis Colombi : « Les nouvelles formes d’exploitation au travail sont invisibilisées » in Alter. Eco.

Elon Musk, Jeff Bezos, Nasa… L’espace, nouvelle frontière du capitalisme

La conquête de l’espace est entrée dans une nouvelle ère où les États et leurs agences spatiales nationales dépendent de plus en plus de sociétés privées sous-traitantes. L’une d’elles, Space X, est même en passe de dicter ses choix à la Nasa.

Stéphane Guérard

 

« Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité », avait pontifié Neil Armstrong alors qu’il posait le pied sur la Lune le 21 juillet 1969. Cinquante-cinq ans plus tard, le temps des pionniers semble bien loin tant la conquête spatiale est désormais l’affaire de businessmen. « Un petit pas pour la Nasa, un grand pas pour mon compte en banque », pourrait s’enorgueillir Elon Musk à chaque décollage de son lanceur Falcon 9 comme à chaque utilisation de son cargo automatique Dragon vers la Station spatiale internationale. Continuer la lecture de Elon Musk, Jeff Bezos, Nasa… L’espace, nouvelle frontière du capitalisme

Yann Raison du Cleuziou : « Cette tendance au durcissement du religieux dans la société française n’est pas proprement catholique »

Yann Raison du Cleuziou, Politiste et professeur à l’université de Bordeaux, Yann Raison du Cleuziou, qui a co-dirigé A la droite du Père, les catholiques et les droites de 1945 à nos jours (Le Seuil, 2022), analyse les glissements en cours : à mesure que le catholicisme se rétracte en France, ce sont les courants les plus conservateurs qui montent en puissance. Et chez ces fidèles qu’il appelle les « observants » – pour leur attachement à la ritualité et à la discipline -, les réticences qu’inspiraient les droites extrêmes sont en passe d’être levées. Version longue d’un entretien paru dans l’Humanité Magazine du 19 décembre.

 

Omniprésence de Vincent Bolloré et désormais de Pierre-Edouard Stérin, polémiques à répétition sur le pape François jugé trop « progressiste », crise ouverte dans le groupe Bayard… Assiste-t-on à un tournant réactionnaire dans le monde catholique français ?

Yann Raison du Cleuziou:

Pour penser les évolutions contemporaines du catholicisme, il faut avoir le contexte en tête. Parler de retour du religieux, c’est une erreur de perspective : la tendance globale, c’est bien un reflux, avec une progression des non-croyants et des athées. C’est parce qu’on est dans une société de plus en plus séculière, de plus en plus détachée de la matrice que fut le catholicisme majoritaire, que le religieux, en devenant minoritaire, apparaît paradoxalement de plus en plus clivant et donc visible. Continuer la lecture de Yann Raison du Cleuziou : « Cette tendance au durcissement du religieux dans la société française n’est pas proprement catholique »

En débat: Assiste-t-on à un renouveau de la pensée matérialiste ?

Contestée dès la mort de Marx et d’Engels, la philosophie matérialiste a été considérée comme dépassée au tournant des années 1970-1980. Elle détient pourtant des clés essentielles à la compréhension du monde et des sociétés humaines.

 

Contesté, dépassé, le matérialisme redevient-il un mode de pensée permettant d’expliquer le monde ? La directrice de la Fondation Gabriel-Péri, Louise Gaxie, interrogeait le philosophe Florian Gulli et le politologue Guilhem Mevel au Village du livre de la Fête de l’Humanité. Le premier signe un article dans la revue la Pensée, dans le dossier de son numéro 419 consacré au matérialisme de Marx et Engels, tandis que le second prépare une thèse sur le jacobinisme et le marxisme.

Pourquoi les analyses du matérialisme historique ont-elles pu être contestées ou considérées par certains comme dépassées ? Continuer la lecture de En débat: Assiste-t-on à un renouveau de la pensée matérialiste ?

« Hitler s’est trompé d’ethnie à exterminer » : quand députés et soutiens du Rassemblement national déversent leur haine sur Facebook

Quinze députés ont participé aux discussions du groupe Facebook «* Rassemblement national * (direction 2027 !) », dont les membres multiplient les publications racistes, les appels au meurtre et les soutiens explicites à Marine le Pen. Selon les informations du média en ligne « Les Jours », ces élus d’extrême droite n’ont pas hésité à rester membres du groupe pendant plusieurs années.

 

De la saillie xénophobe à la menace de mort, le groupe privé «* Rassemblement national * (direction 2027 !) » symbolise la violence et le racisme inhérents à l’extrême droite. Accessible sur Facebook après avoir répondu à plusieurs questions et reçu une validation des administrateurs, ce groupe a été épinglé par le média en ligne les Jours, dans une enquête publiée mercredi 18 décembre. En cause : la participation, plus ou moins active, de quinze députés du parti présidé par Jordan Bardella et mené par Marine le Pen. Neuf d’entre eux ont tenté de discrètement quitter le groupe après avoir été contactés par les Jours. Continuer la lecture de « Hitler s’est trompé d’ethnie à exterminer » : quand députés et soutiens du Rassemblement national déversent leur haine sur Facebook

Bolloré, Stérin, prêtres influenceurs… comment l’extrême droite séduit les jeunes cathos ?

Crise d’orientation dans un groupe de presse aussi central que Bayard, activisme de milliardaires zélés comme Bolloré ou Stérin, attaques virulentes contre le pape ou la hiérarchie épiscopale, jugés trop « progressistes »… Les signaux se multiplient : à mesure qu’ils deviennent minoritaires dans le pays, une partie non négligeable des catholiques français, notamment les plus jeunes, cède aux sirènes des droites extrêmes.

C’était quelques jours avant la révélation par « l’Humanité » de l’embauche d’Alban du Rostu au sein de la direction du groupe de presse et d’édition Bayard. Après l’annonce mi-novembre du rachat surprise, aux côtés de Vincent Bolloré, d’une école de journalisme, l’ESJ Paris, voilà que l’ex-bras droit du milliardaire Pierre-Édouard Stérin, à l’origine du plan Périclès pour faire gagner les droites extrêmes dans les têtes et dans les urnes, venait d’apparaître dans l’organigramme interne, placé au service du nouveau président du directoire, François Morinière.

Alors contacté par nos soins, un journaliste du groupe, central dans le monde catholique en France avec ses titres phares comme la Croixle Pèlerin  et, pour la jeunesse, J’aime lireAstrapi ou Okapi, voit la terre céder sous ses pieds. « On ne peut pas laisser Bayard tomber dans les mains de l’extrême droite », souffle-t-il, au diapason avec une majorité de ses collègues qui, en une semaine, feront reculer les actionnaires de la congrégation des assomptionnistes.

Sur le moment, sidéré, il ne cache pas son pessimisme. « Nos lecteurs vieillissent et les jeunes catholiques sont beaucoup plus radicaux que leurs aînés : ils n’aiment pas l’œcuménisme, l’ouverture à l’étranger, les débats et le consensus, tout ce qui faisait l’équilibre de notre ligne éditoriale. Pour eux, ceux qui défendent les chrétiens aujourd’hui, ce sont des figures comme Bolloré et Stérin en France, ou Trump dans le monde… Et plus vraiment le pape François, ou Bayard ! »

À Bolloré la propagande, à Stérin le financement de la « rechristianisation »

Crise dans le microcosme de la presse catholique, révélateur dans le macrocosme de l’Église en France. Tandis qu’Alban du Rostu avance dans le Point qu’il venait chez Bayard sans rôle éditorial, juste pour « ouvrir des parcs « Petit Ours brun » », Fabien Lejeusne, supérieur provincial d’Europe des assomptionnistes, tente de rassurer dans un courrier adressé aux auteurs jeunesse, pas complètement convaincus, même après le recul du groupe : « Il n’y a pas de bascule idéologique, nous nous tenons au milieu de la nef, ni traditionalistes, ni progressistes, ni extrême droite, ni extrême gauche. »

L’ennui, c’est qu’à mesure que cette nef se vide de ses fidèles, de gros ours bruns rabattent, à coups de milliards d’euros, la doctrine sociale de l’Église sur leurs propres névroses et, comme le souligne le politiste Yann Raison du Cleuziou, qui a notamment codirigé la précieuse somme « À la droite du Père, les catholiques et les droites de 1945 à nos jours » (le Seuil, 2022), les fidèles qu’ils appellent « observants », calés sur les positions les plus conservatrices, gagnent en visibilité et en influence, quand les autres courants se rétractent…

Dans le paysage, les rôles sont bien répartis. À Bolloré le conditionnement de l’opinion et la propagande : au-delà de « Paris Match » (désormais aux mains de Bernard Arnault) , Europe 1 et le « JDD », sa chaîne CNews a disputé à KTO la diffusion de la cérémonie religieuse des Holy Games sous la houlette de l’épiscopat français. À Stérin l’occupation de tous les terrains : à travers sa philanthropie, avec son Fonds du bien commun, mais aussi via des initiatives comme la Nuit du bien commun qu’il a cofondée, il finance à fonds perdu tout ce qui permet de « rechristianiser » le pays, des maisons de retraite aux patronages, en passant par les calvaires ou les écoles privées, sans oublier son projet Monasphère, abandonné devant les protestations, de créer des lotissements chrétiens…

Et des tas d’autres acteurs, plus modestes, prennent le relais, à droite et à l’extrême droite, pour taper comme des sourds sur le pape, jugé trop « progressiste » ou négligeant la « fille aînée de l’Église », sur les évêques décrits comme timorés, sur les curés qui, dans leurs homélies, ne parleraient jamais des sujets qui fâchent, comme l’avortement ou la fin de vie… Ou même sur le couturier Jean-Charles de Castelbajac qui a, selon ces voix, transformé la réouverture de Notre-Dame en « carnaval » en habillant les prélats avec ces couleurs chatoyantes, « de mauvais goût » et surtout en décalage avec la ligne liturgique du concile de Trente entre 1545 et 1563…

Un goût prononcé pour le culte le plus fastueux et rigide

Sans aller jusqu’à une nouvelle contre-réforme, les jeunes catholiques, devenant minoritaires et se vivant comme menacés par les musulmans, se constituent plus que jamais en contre-culture. Avec des codes vestimentaires, comme la soutane de retour chez les prêtres et pour les laïcs le sweat de la « Manif pour tous » ou les pantalons aux couleurs vives prisés dans les collectifs d’agit-prop réactionnaires (Hommen, Veilleurs, Sentinelles…). Mais surtout une fluidité totale entre des courants jadis séparés, avec un goût prononcé pour le culte le plus fastueux et rigide.

« Le vrai clivage n’est pas entre traditionalistes et charismatiques, mais entre ceux qui prennent le tournant du christianisme identifié et décomplexé et ceux qui restent dans l’Église des années 1980, où il faut s’excuser d’être chrétien », expliquait à « la Vie », il y a une dizaine d’années, l’abbé Grosjean, prêtre du diocèse de Versailles (Yvelines), qui fait figure d’ancêtre parmi les influenceurs cathos. Star de ces réseaux aujourd’hui, frère Paul-Adrien confirme, sur la base d’un « sondage » au sein de sa communauté numérique : « Ce que veulent les jeunes chrétiens en France, c’est plus de fermeté doctrinale, plus de sacré à la messe, et qu’on leur donne enfin les moyens d’être fiers de leur foi et de pouvoir le dire dans la société. »

Le temps joue en faveur de ces nouveaux « rebelles » de la foi, et ils le savent : alors que les séminaires diocésains subissent de plein fouet la crise des vocations, ceux des communautés, comme celle de Saint-Martin avec son décorum spectaculaire et ses moyens considérables – Proclero, son fonds d’investissement, détient des actifs d’une valeur de 100 millions d’euros –, font le plein et occupent désormais une place de premier rang dans les ordinations en France.

Une radicalisation encouragée sous Jean-Paul II et Benoît XVI

Moins nombreux mais plus visibles, les catholiques conservateurs cherchent toujours à frapper la rétine et les esprits. Ce qui ne va pas sans crispations dans tout le pays : à Solignac (Haute-Vienne), à Lagrasse (Aude) ou ailleurs, les prétentions expansives de religieux particulièrement intransigeants suscitent la colère des voisins des abbayes. À l’échelle nationale, les initiatives se multiplient pour réinstaller les catholiques conservateurs dans le débat et l’espace publics.

Pour les élites, il y a, depuis 2023, un « dîner des bâtisseurs », et de son côté le patronat chrétien se relance. Pour les masses, plus bourgeoises que jamais chez les pratiquants, les occasions de défiler ne manquent pas, de la prière de rue après la cérémonie jugée « blasphématoire » des JO aux sept routes de Notre-Dame cet été. Ces dernières années, un rendez-vous s’est imposé entre tous : le pèlerinage de Chartres, organisé autour de la Pentecôte par les traditionalistes de Notre-Dame de chrétienté et dont CNews a diffusé en direct la messe en latin qui l’a conclu. Un événement qui rassemble près de 20 000 participants.

Extrême droite et cathos : à la tête de la reconquista digitale, des influenceurs de combat + adresse au préfet

Ils maîtrisent les codes et les hashtags, ils connaissent la musique et multiplient les clins d’œil. Mais avec le soutien de Vincent Bolloré et Pierre-Édouard Stérin, ce sont les idées les plus réactionnaires que ces nouvelles stars de la cathosphère servent à leurs dizaines de milliers de followers.

Fin 2023, le père Matthieu Jasseron, curé de Joigny (Yonne) jusqu’à son départ de l’Église en octobre, a cessé d’abreuver son 1,2 million d’ouailles sur TikTok de propos ouverts et hétérodoxes, notamment sur l’homosexualité. En avril 2024, il a cédé son compte à l’entrepreneur Olivier Bonnassies, coauteur d’un livre avec le frère de Vincent Bolloré. Le père Matthieu a aussi transmis sa plateforme Theostream aux « tradismatiques » – fusionnant renouveau charismatique et traditionalisme – de la communauté de l’Emmanuel. Continuer la lecture de Extrême droite et cathos : à la tête de la reconquista digitale, des influenceurs de combat + adresse au préfet

Quelles luttes féministes face à l’extrême droite ? (En débat)

Le camp réactionnaire a le vent en poupe en France, le RN et ses alliés comptent 143 députés à l’Assemblée nationale. Dans ce contexte, les organisations et militantes pour les droits des femmes sont en première ligne de la bataille.

Dans la manifestation féministe contre l’extrême droite, à Paris le 23 juin 2024. © Emmanuelle Thiercelin/divergence-images crédits

 

Comment organisations et associations féministes ont-elles réagi à la séquence de la dissolution entre les élections européennes et législatives ? Comment mènent-elles leur combat contre les régressions et les conservatismes ? Un débat intitulé « Front féministe contre front réactionnaire » s’est tenu en septembre à l’Agora de la Fête de l’Humanité, réunissant quatre militantes féministes.

Comment vous et vos organisations féministes vivez-vous cette séquence politique depuis la dissolution ? Continuer la lecture de Quelles luttes féministes face à l’extrême droite ? (En débat)

Fabien Roussel : « Nous appelons à un pacte social et républicain »

Fabien Roussel doit être reçu, ce lundi, par Emmanuel Macron à l’Élysée, avec André Chassaigne et Cécile Cukierman. Ils y défendront notamment plusieurs mesures d’urgence sociale alors que le président doit nommer très vite un nouveau premier ministre.

Pourquoi fallait-il censurer le gouvernement de Michel Barnier ?

Ce budget était dangereux pour la France et risquait de faire entrer notre pays en récession, d’aggraver les difficultés de nos services publics, de nos communes, de nos associations et de nos concitoyens. Il n’apportait aucune réponse à la vie chère, dans l’Hexagone comme en outre-mer, ni aux centaines de milliers de salariés qui subissent des plans sociaux.

Qu’irez-vous dire à Emmanuel Macron, ce lundi ?

Qu’il est urgent de sortir la France de l’impasse et d’ouvrir des perspectives aux Français, aux élus, aux salariés, aux TPE et PME. L’inquiétude et la colère montent très fort dans le pays. Y répondre est de notre responsabilité collective.  Nous sommes prêts à engager un dialogue pour trouver des solutions collectives républicaines et donner une stabilité au pays.

Le président souhaite un « gouvernement d’intérêt général ». Qu’en pensez-vous ?

Nous appelons, nous, à un pacte social et républicain. Social d’abord, parce qu’il y a beaucoup de réponses à construire face à l’urgence sociale. Je pense aux salariés qui craignent pour leur emploi, aux services publics, à notre industrie, aux retraités, au pouvoir d’achat, à la facture d’électricité.

Les politiques sociales et la question de l’emploi sont au cœur des préoccupations. Un pacte républicain, ensuite, parce qu’il ne faut rien céder sur les valeurs de la République. Il ne faut plus laisser l’extrême droite dicter sa politique au futur gouvernement.

Croyez-vous qu’il soit possible d’arriver à un tel gouvernement, voire d’y participer ?

Il faudra construire des majorités texte par texte, mais aussi construire un accord de non-censure pour pouvoir avancer. Nous avons bien conscience que la gauche n’a pas de majorité absolue. Mais personne ne l’a.

Pour garantir un minimum de stabilité, il faut que les forces républicaines trouvent un chemin et les moyens de se mettre d’accord en faisant chacun un pas vers l’autre.  Pour cette raison, nous avons fait une série de propositions que nous mettons sur la table pour discuter. Nous agirons et ferons nos choix en fonction du gouvernement qui sera nommé et des décisions qui seront prises.

Le premier ministre doit-il être de gauche ?

C’est préférable, mais, surtout, le premier ministre doit être capable de construire avec la gauche et d’obtenir un accord de non-censure au-delà de la gauche. Pour les communistes, ce qui compte, c’est qu’il soit respectueux du Parlement, des forces républicaines et surtout – pour nous, c’est essentiel – des électeurs et de ce qu’ils ont voté lors des dernières élections.

Posez-vous des conditions ?

Gabriel Attal et les macronistes ont fait preuve de beaucoup de sectarisme. Ils ont dit cet été que si un gouvernement du Nouveau Front populaire était nommé, comprenant la France insoumise, ils le censureraient automatiquement. Et quand les insoumis ont dit qu’ils ne seraient pas une force de blocage, qu’ils pourraient ne pas participer au gouvernement, la Macronie a maintenu la censure automatique de tout gouvernement de gauche.

Nous ne sommes pas sectaires comme eux. Nous, nous censurons en fonction de la politique menée. Nous jugerons sur pièces. Pour garantir un minimum de stabilité, chacun devra faire un pas vers l’autre. Il faut avoir une capacité de dialogue.

L’abrogation de la réforme des retraites, l’indexation des salaires et des retraites sur l’inflation, la protection de l’industrie, de nos services publics et de nos communes, la justice fiscale, le poids des banques sont des éléments essentiels pour nous. Nous les mettons en avant pour discuter. Nous appelons les autres forces, notamment les macronistes, les centristes, le groupe Liot, le Modem, à regarder ce qu’elles sont prêtes à faire sur ces sujets. La seule chose qui compte pour nous est la politique qui sera mise en œuvre, nous nous déterminerons en fonction de cela.

Y a-t-il un risque pour la gauche à apparaître dans la période comme un élément de blocage ?

Si le pays est bloqué aujourd’hui, c’est le fait du président de la République et des députés de son camp refusant tout dialogue et tout compromis. Ce sont eux qui ont dit censurer, quoi qu’il arrive. Face à cela, j’appelle la gauche à être la plus unie possible pour peser. Ensemble, nous comptons 193 députés. C’est une force, la première coalition de l’Assemblée nationale.

La FI souhaite appliquer strictement le programme du NFP. Le PS semble prêt à des compromis. Cela ne risque-t-il pas de désunir la gauche ?

Ce qui compte, c’est comment nous parvenons à l’union du peuple de France, à mettre en place un rapport de force favorable aux intérêts du peuple. Chaque force politique de gauche est autonome mais nous devons travailler à cette union du peuple de France.

Peut-être certaines forces de gauche accepteront-elles de gouverner avec des macronistes ; d’autres ne le feront pas, et certains refuseront tout dialogue, comme la FI. Mais cela ne doit pas nous empêcher de trouver des solutions à l’Assemblée pour défendre les intérêts du peuple.

Quel doit être le rôle des communistes ?

Le rôle du PCF se résume en trois mots : unir, unir, unir. Car tout est fait pour nous diviser, opposer les Français entre eux. Je pense aux salariés rencontrés ces derniers jours : ceux d‘Arcelor, des Fonderies de Bretagne, de Michelin. Les angoisses sont fortes, les colères immenses.

Nous devons trouver des réponses et des solutions urgentes à tous ceux qui se battent. Pour cette raison, j’appelle les communistes, les élus, les militants, à être très présents dans les luttes, sur le terrain, à l’écoute et en même temps à faire mesurer la gravité de la crise.

Emmanuel Macron doit-il démissionner ?

Sa démission n’est envisageable que si lui-même l’envisage. C’est une décision qui lui revient. Nous ne considérons pas que c’est la priorité du moment. Et nous pensons même que provoquer une présidentielle maintenant ne résoudrait en rien les problèmes, puisque nous resterions avec la même Assemblée et la même incapacité de gouverner, sauf à refaire des législatives dès septembre 2025.

La France rebasculerait dans une période électorale. Cela ne résoudrait rien aux problèmes de nos concitoyens et on risquerait un an de plus d’immobilisme et de fractures. On risque surtout de creuser encore davantage le fossé entre nos concitoyens et les responsables politiques. Créons plutôt toutes les conditions pour que le Parlement joue son rôle et que le pouvoir ne soit plus à l’Élysée.

Pour 2027, Marine Tondelier et Lucie Castets souhaitent une candidature commune de toute la gauche. Jean-Luc Mélenchon propose la même chose en cas d’élections anticipées, mais sans les communistes ou l’aile droite du PS. Quelle est votre perspective ?

Nous sommes dans un moment où les Français sont inquiets pour l’avenir du pays, pour leur pouvoir d’achat. Franchement, quand je vois des responsables politiques obnubilés par la question des présidentielles, je pense que ce n’est pas le meilleur message que nous pouvons renvoyer. Au PCF, nous aborderons le sujet le moment venu. Notre projet de société qui s’attaque au coût du capital et place la paix au cœur de nos relations internationales est d’actualité.

Nous avons, de plus, des personnalités qui ont émergé ces dernières années et une culture du rassemblement que d’autres n’ont pas. Nous avons aussi toute légitimité à incarner une candidature de gauche, de rassemblement, lors de futures échéances nationales. Abordons ce débat, le moment venu, avec cela en tête, sans complexe.

Quels sont les enjeux de la conférence nationale des communistes qui se tient samedi ?

Elle doit faire le bilan des dernières élections. Beaucoup de communistes sont déçus par l’alliance conclue lors des législatives. Mais tout le monde veut aussi que la gauche gagne en étant unie et rassemblée. Beaucoup de fédérations veulent construire des candidatures de rassemblement plus en prise avec les réalités locales.

Il ne s’agit pas de tirer un trait sur le NFP et l’union, mais au contraire de construire des candidatures beaucoup plus efficaces et en capacité de l’emporter.  Enfin, nous devons nous projeter, nourrir et réaffirmer le projet communiste en tenant compte de ce qui se passe. Jamais le capitalisme n’a été aussi violent, guerrier, impérialiste et, dans beaucoup de pays, il a fait le choix du nationalisme et de l’extrême droite.

Nous devons mesurer combien il est un danger pour la planète, pour l’Europe, pour la France. Face à cela, il y a nécessité de réaffirmer le projet communiste, le besoin de communisme, ce chemin que nous voulons prendre en construisant un socialisme à la française.